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trois nombres presque identiques et dont la moyenne est 8″,86, la parallaxe de Foucault. En présence de ce résultat, il est permis de penser que la mécanique céleste pourrait dès aujourd’hui, à la rigueur, se passer d’une détermination directe de la distance du soleil. Or les inégalités dont la considération peut ainsi suppléer aux mesures directes grandissent d’année en année, de siècle en siècle, et deviennent de plus en plus sensibles et certaines, elles se capitalisent pour ainsi parler. La méthode qui conduit aujourd’hui à un résultat si frappant deviendra donc avec le temps encore plus précieuse, et elle aura le pas sur l’observation des passages, si on ne se hâte pas de perfectionner ce dernier moyen. La seule difficulté qui se présente, c’est l’incertitude où nous sommes sur l’existence d’autres masses que celles qui nous sont connues dans les parages solaires. L’ensemble des planètes minuscules que l’on découvre maintenant par douzaines ne paraît pas constituer une masse dont il faille sérieusement tenir compte au point de vue des perturbations qu’elles pourraient occasionner ; mais il est bien possible que dans les régions voisines du soleil où chemine Mercure il y ait encore des matières cosmiques d’une certaine importance, dont l’action pourrait déranger les calculs. Dans ces conditions, dit M. Le Verrier, il semble que l’astronomie devrait entrer dans une voie un peu nouvelle : il faudrait d’abord ouvrir ce qu’on peut appeler le compte des matières célestes. Remontant dans le passé, on chercherait à quels momens telle ou telle planète a dû exercer une action particulièrement accentuée, et on formerait ainsi pour chacune un dossier spécial en vue de la détermination de sa masse. On ferait le même travail par rapport à l’avenir pour ne laisser échapper aucune occasion favorable de rectifier ces masses. De là résulterait un ensemble d’informations qui conduirait aux plus importans résultats, peut-être à des découvertes inattendues. Il ne s’ensuit pas néanmoins que l’observation des passages de Vénus n’offre pas un intérêt de premier ordre : la concurrence, la rivalité des méthodes, c’est la vie même de la science.

R. Radau.