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de fulminer contre les lois allemandes aussi bien que contre les « usurpations italiennes ; » ils ne s’aperçoivent pas qu’en se donnant cette satisfaction à eux-mêmes, ils exposent leur pays à de véritables humiliations, que dans un intérêt de prosélytisme religieux, en croyant servir la foi catholique et le pape, ils dénaturent et compromettent les intérêts publics de la France, dont ils oublient ou méconnaissent la situation. Ils créent des embarras sans avoir même la chance d’être utiles à leur cause. Le gouvernement, par des considérations parlementaires, pour ne pas se brouiller avec les influences cléricales de la droite, se croit obligé à des ménagemens ; il louvoie avec les prélats qui sont les premiers auteurs de toutes ces complications obscures, il ajourne de semaine en semaine une interpellation comme celle de M. Du Temple, et il ne fait qu’aggraver le mal qu’il aurait pu prévenir, en perpétuant l’équivoque, en ayant l’air de subir une solidarité compromettante. Puis vient enfin une heure où, ne pouvant faire autrement, sentant le péril, ne voulant pas se laisser placer, « entre une faiblesse et une folie, » il est nécessairement tenu de s’expliquer.

C’est ce qu’a fait récemment M. le duc Decazes. M. le ministre des affaires étrangères a pu voir ce jour-là qu’il n’y avait qu’à vouloir ; il n’a eu que quelques mots à dire pour faire évanouir l’interpellation Du Temple, qui a disparu, soudainement écartée par la question préalable, après être restée suspendue plus d’un mois sur l’assemblée. M. le duc Decazes s’est expliqué sans doute dans les termes les plus rassurans, de façon à détourner toute complication. Il n’a pas caché que le gouvernement voulait « entretenir, sans arrière-pensée, avec l’Italie, telle que les circonstances l’ont faite, des relations pacifiques et amicales… » Il a précisé le rôle de la représentation française auprès du pape en la limitant à la protection « des intérêts qui se relient à la souveraineté spirituelle du pontife. » Tout cela est assurément correct et tranquillisant pour la régularité des relations des deux pays, c’est assez pour désintéresser l’Italie ; ce n’est peut-être pas assez pour la France elle-même, car l’intérêt de la France n’est pas seulement d’éviter des ruptures, il est encore et surtout d’en arriver à une cordiale et sérieuse intimité entre les deux nations, à un rapprochement permanent, habituel de politiques, aussi naturel que désirable, aussi facile que profitable pour les deux pays. Qu’on y prenne bien garde ! Ce qui pèse sur la France et sur ses relations, ce n’est pas la crainte d’une déclaration de guerre de sa part. On ne craint pas la guerre, on n’y croit pas ; pour avoir un doute, il faudrait supposer un gouvernement disposé à commettre ce que M. le duc Decazes appelait justement une folie. Le danger est dans l’équivoque d’une politique retenue par des liens de parti, se laissant imposer de compromettantes solidarités d’opinion, subissant des influences ennemies de nos alliances les plus naturelles, indécise entre les inspirations