D’ailleurs ils faisaient en cuivre des instrumens qu’ils auraient faits en fer, si ce dernier métal eût été entre leurs mains. On peut donc affirmer que les quatre couches inférieures d’Hissarlik sont d’une époque où le fer n’était pas en usage dans le pays ni certainement dans les pays voisins. Si l’analyse dont s’occupent en ce moment M. Lortet et M. Damour confirme l’absence de l’étain et de tout autre alliage dans les instrumens de cuivre, nous serons en droit de penser que cet autre métal était également inconnu. L’étain, cité par Homère, se nommait en grec cassitéros, mot étranger qui est le sanscrit castira ; on en conclurait donc que la population de la plaine de Troie ne recevait pas encore de l’Inde ce métal, qui vint plus tard des contrées du nord aux peuples méditerranéens.
Les vases fournis par les couches préhistoriques de Hissarlik sont dans la collection Schliemann au nombre de plusieurs milliers. Si on les considère dans leur ensemble, on n’aperçoit pas d’abord de différences notables entre ceux des quatre couches consécutives. Les formes se produisent d’une époque à l’autre, le genre de fabrication est le même, ce sont les mêmes terres et les mêmes ornemens. De plus près, on aperçoit une sorte de décadence, au moins à partir de la seconde couche, comme si le vaste incendie qui détruisit la ville eût fait disparaître les bons ouvriers ou amoindri leur salaire, quel qu’il fût. Cette décadence se remarque même dans la capacité de certains vases : il en est un par exemple, celui que l’on nommait sans doute amphikypellon, qui servait à boire et qui a cette particularité de ne pouvoir se tenir debout. Deux personnes pouvaient se l’offrir l’une à l’autre, et devaient le vider avant de le replacer sur son bord supérieur ; ce vase, qui contenait d’abord plus d’un litre, va toujours en diminuant, et ne contient pas à la fin plus d’un décilitre.
La plupart de ces vases, depuis le sol vierge jusqu’à l’époque hellénique, ont été fabriqués sur place avec la terre argileuse du pays. Cette terre est tantôt rouge, tantôt grise ou jaunâtre. On la pétrissait sans l’épurer ; les petites pierres qu’elle contenait se retrouvent dans l’épaisseur des tessons. Le potier modelait cette terre avec ses doigts sans aucun outil accessoire ; quand le vase était à moitié sec, il le frottait au moyen d’une pierre dure allongée en forme de pied de biche et plus ou moins grosse suivant la dimension de l’objet ; par là, il donnait à la terre du vase un poli très brillant qui se maintenait à la cuisson. Toutes les terres cuites préparées par ce procédé portent la trace de chacun des coups du lissoir, et ces lissoirs existent en grand nombre dans la collection. L’usage du tour paraît s’être introduit dans le pays durant la période dont nous nous occupons ; les objets fabriqués par ce nouveau pro-