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vieux portraits en pied, bien restaurés, tapissent le fond de ce même salon, ceux de Gilbert de Chabannes et de ses deux femmes Françoise de Boulogne et Catherine de Bourbon. Très jeune, costumé à ravir, coiffé d’un bonnet surmonté d’une aigrette, beaucoup plus joli que ses deux femmes, entre lesquelles il est placé, Gilbert de Chabannes ressemble tout à fait à un jeune prince des Mille et une Nuits ou à un héros de nos modernes féeries. De ces deux femmes, une seule nous importe, Catherine de Bourbon. C’est la deuxième fille de Jean de Bourbon, deuxième comte de Vendôme, la branche même d’où sont sortis nos rois Bourbons. Or, comme il n’y a eu en tout que trois comtes et deux ducs de Vendôme, cette Catherine de Bourbon se trouve l’arrière-grand’tante de Henri IV, d’où l’on peut voir que les Chabannes se trouvaient alliés d’assez près à la maison de France, et que pour eux, comme du reste pour beaucoup d’autres familles de la noblesse française, l’expression de cousins du roi n’était pas une simple métaphore de politesse[1].

Une chapelle des derniers temps du gothique, haute comme une cathédrale, et de dimensions qu’atteignent fort peu de nos églises de campagne, s’élève à l’un des angles du château. C’est la partie que le propriétaire actuel est en train de faire restaurer à cette heure. Lorsque je l’ai visitée, des ouvriers étaient occupés à en creuser et à en remuer le sol, autrefois chargé de nombreux mausolées, parmi lesquels celui du maréchal de La Palisse, dont les diverses parties ont été dispersées ou vendues ; trois des bas-reliefs ornent, dit-on, le musée d’Avignon. Je n’y ai trouvé que les pierres tombales de Jacques Ier de Chabannes et de sa femme, encore en bon état de conservation, bien que fortement souillés par les moineaux francs, ces plébéiens de la gent ailée. Ceux que nos douleurs présentes enseignent à chercher dans les vicissitudes de notre passé des motifs de consolation et d’espoir peuvent se baisser encore aujourd’hui avec piété pour regarder cette vieille pierre ; elle recouvrit un des meilleurs ouvriers de notre délivrance au XVe siècle. Sénéchal du Bourbonnais pendant la longue captivité du duc Jean Ier et sous le duc Charles Ier, Jacques de Chabannes eut l’honneur de prendre part à la première entreprise militaire qui releva réellement la France abattue, et l’honneur plus grand encore de frapper le dernier coup qui mit fin à la longue occupation anglaise. Il assista du commencement à la fin au siége d’Orléans ; je le vois sous les

  1. Nous saisissons cette occasion pour recommander à tous ceux de nos lecteurs qui ont le goût des lectures historiques l’Atlas généalogique des princes de la maison de Bourbon, édité récemment par M. l’abbé Dumax. Ils y trouveront sur les diverses branches de cette maison, sur ses innombrables boutures et ces méandres sans fin de mariages, d’héritages, de transferts de souveraineté, des renseignemens aussi exacts que précis et minutieux.