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seigneur pouvait, de son propre mouvement et sans avoir besoin qu’on parût l’y contraindre par la force des armes, faire acte de clémence, accorder à des sujets révoltés une amnistie complète ; il ne lui était pas permis de modifier la condition des raïas sans porter atteinte à la loi religieuse.

La conférence dans laquelle cette question fut débattue avec le reïs-effendi eut lieu le 24 novembre 1827 ; elle dura cinq heures. Les ambassadeurs des trois puissances avaient résolu d’emporter de leur entrevue une réponse décisive. Si leur habileté ne parvint pas à mettre une seule fois en défaut ni le flegme musulman, ni l’astuce orientale, elle leur servit du moins à constater qu’après cette dernière épreuve il ne leur restait plus qu’à demander leurs passeports. Ils s’étaient obligés d’un commun accord, disaient-ils, à faire cesser le scandale de Roumélie. Que fallait-il pour cela ? Que la Sublime-Porte accordât dans son propre intérêt certains priviléges aux Grecs, non pas, bien entendu, aux Grecs en général, mais à ceux qui habitaient la Grèce proprement dite. Il y eut là une longue lutte, dans laquelle le reïs-effendi ne se montra sous aucun rapport inférieur à ses adversaires. Quel que fût son désir d’éviter un éclat, il n’osait, dit-il en finissant, s’exposer à importuner de nouveau le sultan. Le grand-vizir fut plus hardi. Quand le 29 novembre les ambassadeurs eurent renouvelé l’annonce de leur prochain départ, il se jeta aux pieds de son maître. Mahmoud se déclara prêt à abandonner aux Grecs la capitation arriérée des sept dernières années. La concession, au point où en étaient les choses, parut dérisoire. Le 8 décembre 1827, les ambassadeurs quittèrent Constantinople ; les relations politiques étaient rompues, les rapports commerciaux existaient encore, et aucune hostilité ne devait avoir lieu de la part des escadres sans de nouveaux ordres. Les conséquences d’une mésintelligence aussi tranchée semblaient cependant imminentes.

« Nous l’avions prévu, écrivait le comte Nesselrode au vice-amiral Heïden ; mes dernières dépêches vous faisaient pressentir que la Porte, cédant à l’impulsion d’un aveugle fanatisme, provoquerait une rupture avec les représentans des puissances signataires du traité de Londres. L’événement n’a pas tardé à fournir la preuve de cette triste vérité. Les représentans des trois cours ont dû quitter Constantinople. Au moment où M. de Ribeaupierre a mis à la voile pour la Méditerranée, les Turcs adoptaient envers les sujets et le commerce russes, dans la vue d’entraver la navigation de la Mer-Noire, les mesures les plus opposées à la teneur de nos traités. Leur conduite envers les sujets et le commerce des deux autres puissances alliées n’était ni moins arbitraire ni moins déplorable. Sa majesté impériale m’ordonne de vous instruire de ses déterminations… L’empereur propose à ses alliés d’adresser collectivement à la Porte