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en aide à la frégate. Ils engagent une vive fusillade avec la garnison. À neuf heures, le feu cesse, et le lendemain le détroit voit flotter sur l’une de ses rives le pavillon grec, sur l’autre le pavillon français. Le 2 mai 1829, la place de Lépante se rend au président Capo d’Istria. Le 17 mai, Missolonghi capitule ; le 24 septembre, les troupes turques de l’Attique, appelées à Larissa pour aller défendre Andrinople, essaient vainement de se frayer un passage à travers les défilés de l’Hélicon. Arrêtées par Ipsilanti, à la tête des troupes du camp de Mégare, elles achètent leur retraite au prix de la cession de toutes les places fortes de l’Hellade orientale. La Grèce se trouve ainsi, après neuf années de luttes, en possession des parties les plus importantes du territoire que la conférence de Londres a résolu de lui attribuer. Les arrêts de la conférence ne sont encore, il est vrai, que des protocoles. La Porte n’a pas souscrit à tous ces arrangemens, qui, sans son aveu, la dépouillent. Elle retient au contraire son consentement avec une énergie de plus en plus farouche. Il faudra les triomphes éclatans des Russes pour le lui arracher.

V.

Quand la campagne de 1829 s’ouvrit en Bulgarie, les deux belligérans avaient eu le temps de se préparer pour un suprême effort. La flotte turque entra deux fois dans la Mer-Noire ; deux fois elle revint à Constantinople sans avoir osé attaquer les vaisseaux russes maîtres de Varna, de Bourgas et de Sizopoli. Du moment que la Mer-Noire était abandonnée aux forces navales du tsar, le sort de la campagne était décidé, car les difficultés d’approvisionnement cessaient d’exister pour l’armée d’invasion, et cet embarras seul aurait pu arrêter ses mouvemens. Aussi les opérations prirent-elles dès le mois de juin un caractère de rapidité foudroyante. Les deux généraux en chef n’étaient plus ceux qui commandaient en 1828. Diebitsch avait remplacé Wittgenstein ; Reschid, élevé à la dignité de grand-vizir, succédait à Hussein-Pacha. Le 10 mai, le nouveau commandant des forces ottomanes prenait avec son impétuosité habituelle l’offensive. Le 11 juin, il livrait à Koulewtja une sanglante bataille, la perdait et se voyait en quelques heures sans armée. Peu de jours après, le 29 juin, Silistrie, assiégée depuis près de deux mois, se rendait. Les derrières de l’armée russe se trouvaient assurés, et la route des Balkans était ouverte. Diebitsch n’hésite pas à franchir cette barrière. En moins de neuf jours, il fait 75 lieues. Les combats, les maladies, les fatigues, avaient réduit les seules troupes dont il pût disposer pour se porter en avant au chiffre de 20 000 hommes. Il compta