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congrès de Genève et de Lausanne contre la propriété, le mariage, la religion : tel était l’unique but. Les clubs avaient plus que jamais l’initiative des mesures violentes. Le club de la révolution, réuni dans l’église Saint-Bernard, adopte des résolutions dont nous avons le texte, qui peut être rapproché des arrêtés pris par le gouvernement insurrectionnel. On y trouve entre autres la suppression des cultes, « l’arrestation immédiate des prêtres comme complices des monarchiens, la vente de leurs biens, meubles et immeubles, ainsi que ceux des traîtres et fuyards, etc. » L’utopie sort du nuage, elle prend corps, les moyens de travail vont être mis en commun, et déjà des phalanges d’ouvriers poussent le cri de « vive la république sociale ! vive le travail ! » cri tout platonique. Malheur aux aisés, aux riches qui s’opposeraient à l’égal partage des jouissances ! Voilà de quoi il s’agit uniquement dans les rangs de l’insurrection et dans les groupes populaires. Cette attitude de la masse marque une évolution nouvelle dans l’histoire du socialisme, qui ne prit que successivement ce caractère franchement destructeur. Plus de doute : les temps du socialisme rêveur sont passés. La démocratie dite « pacifique » est loin de nous ; l’harmonie phalanstérienne, le songe de l’Icarie, se sont évanouis ; le mutuellisme donne la main au nihilisme ; les revendications se nomment aujourd’hui des effractions à main armée, et le prolétaire, regardant le patron en face, prend au mot cette conclusion de la logique proudhonienne : « propriétaire, va-t’en ! »

Nous avons là aussi la clé du plus triste des spectacles. La capitulation avait été un coup violent porté à une partie de cette population aveuglée, et mettant sur le compte de la trahison les difficultés d’une défense qui aurait pu être mieux conduite peut-être, mais qui dans l’état de désorganisation de nos armées ne pouvait guère arriver à un succès définitif. Pendant la durée du siége, la foule, malgré les idées anti-sociales qui n’avaient pas cessé d’y jouer un rôle, avait cru ardemment au pays ; sa préoccupation dominante était la défense de la nationalité. À peine Paris est-il rendu, l’influence anti-patriotique de l’Internationale reprend le dessus. L’enquête explique fort bien comment cette association, qui s’était un instant effacée derrière le jacobinisme révolutionnaire, reparaît, triomphe dans les élections de février ; elle s’introduit, après le succès de l’insurrection du 18 mars, dans la nouvelle commune, y fait nommer des étrangers aux plus grands emplois civils et militaires, sous le prétexte que le vrai drapeau de la commune est la république universelle. Les Dombrowski, les Cluseret, les La Cecilia, règnent sur Paris, qu’en d’autres temps de tels choix eussent rempli de scandale et de colère ; aujourd’hui la population y cède sans murmure ou même y applaudit. L’idée qu’il puisse y avoir là des