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frichés, il faut aller chercher loin des grandes voies des vignobles dont quelques-uns ont des 50 ou des 90 acres d’étendue, et là même, s’il s’agit du scuppernong, ce n’est pas en surface continue que s’étend le tapis de sa verdure, on ne voit que des berceaux aplatis, formant dais et laissant entre eux de larges vides où l’on cultive des fraisiers ou d’autres plantes herbacées.

Le précepte du vitis amat colles est aussi vrai en Amérique qu’en Europe lorsqu’il s’agit de la qualité du vin ; mais là, comme chez nous, la vigne en plaine, pourvu que l’eau n’y soit pas stagnante, donne des produits plus abondans que sur la colline. Le défoncement du sol, le drainage, s’il y a lieu, sont des conditions préalables d’établissement d’un vignoble. Les bas-fonds, les bords des cours d’eau, doivent être évités comme sujets aux gelées ; l’exposition varie suivant les lieux, mais il faut la choisir de telle sorte qu’on échappe aux vents froids du nord et du nord-ouest, et qu’on reçoive les vents humides et chauds du sud et du sud-ouest. La plantation se fait par lignes avec des intervalles de 1,m80 entre les rangées et de 1m,80 à 3 mètres d’un cep à l’autre suivant la force de végétation des variétés. La taille comporte des détails divers depuis la première année de la plantation jusqu’au régime définitif de la mise à fruit, qui s’établit en général à quatre ans. Des échalas soutiennent chaque cep ; les sarmens libres ou diversement liés en cordons, droits ou courbés en arc, sont taillés les uns à deux ou trois yeux pour donner le bois à fruit de l’année suivante, les autres à six, sept ou huit yeux pour donner le fruit de l’année. Le scuppernong, qui est une vigne à part à tant d’égards, ne souffre d’autre taille que la suppression de quelques gourmands ou du bois mort. La multiplication par semis n’est utile que pour rechercher des variétés nouvelles. Le bouturage, le marcottage, la multiplication par yeux isolés, la mise en terre, les soins aux boutures, les labours à la houe et à la charrue, rappellent, à quelques modifications près, les opérations analogues faites en Europe, et naturellement variées suivant les climats et les lieux.

Les époques de vendange varient suivant les localités et la nature des cépages. Dans les états du nord-est, on préfère aux variétés tardives celles qui mûrissent de bonne heure, mais il arrive que même celles-là n’atteignent qu’une maturation imparfaite, si le retour des froids est trop précoce ou l’été et l’automne trop peu chauds. Heureusement que le mois d’octobre est en général en Amérique un très beau mois appelé « été indien, » comme nous appelons « été de la Saint-Martin » la série des belles journées de novembre. Ces dernières caresses du soleil mûrissent souvent les raisins tardifs de la Nouvelle-Angleterre et du lac Érié. Dans les