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socialiste. A Mayence, un second tour de scrutin devait décider entre un national-libéral, M. Goerz, et un catholique, M. le chanoine Moufang. Les socialistes avaient d’abord parlé de s’abstenir, mais ils se ravisèrent. Dans une réunion publique qui avait attiré 3,000 personnes, le socialiste Most, élu le 10 janvier dans une autre circonscription, fit d’abord le procès « au parti bismarckien des nationaux serviles, » puis, passant aux ultramontains, il repoussa pour son parti toute communauté avec les noirs ; mais, dit-il, « grâce à l’habileté de l’homme de génie qui gouverne l’Allemagne, les catholiques sont aujourd’hui dans l’opposition. Les nationaux sont beaucoup plus redoutables qu’eux, puisqu’ils sont au pouvoir; ils peuvent nous mordre, tandis que les ultramontains n’ont plus de dents. Nous avions voulu nous abstenir; mais, si vous voulez choisir entre le bismarckien et l’ultramontain, ne prenez pas celui qui peut vous mordre ; votez pour l’ultramontain, non par sympathie pour lui, mais par haine contre son adversaire. Il y a d’ailleurs deux sortes de jésuites, ceux qui préviennent le public par la robe noire qu’ils portent, et ceux qui se cachent sous la redingote. J’aime mieux un jésuite en robe noire qu’un jésuite en redingote ! » Les socialistes usèrent de la liberté qui leur était laissée, et le chanoine fut élu grâce à leurs suffrages.

L’expression des sentimens que leurs succès ont inspirés à ces adeptes de la révolution sociale n’est pas rassurante. Leurs journaux raillent les alarmes des conservateurs, qui, à la vue du drapeau socialiste triomphant, « beuglent comme des bœufs qui ont vu du rouge. » — « Dans toute l’Allemagne, dit l’un d’eux, il n’y aura bientôt plus que deux partis, ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas, les exploiteurs et les exploités, les repus et les affamés!.. Entre eux, la lutte est déjà commencée, elle finira par la destruction de la vieille société. Allons, ouvriers socialistes, courage ! Crions tous aux oreilles de ces gens d’ordre, de ces mangeurs de communards : « Vive la commune ! » Le même jour, une autre feuille adressait une sorte de manifeste aux électeurs d’Alsace-Lorraine. Elle protestait « qu’elle ne connaissait point les frontières que les souverains tracent entre les peuples, » que « la théorie de l’ennemi héréditaire lui paraissait odieuse et ridicule, » que les travailleurs d’Allemagne et de France se devaient tendre la main et combattre ensemble, et que leurs obligations mutuelles n’étaient pas changées depuis qu’à Strasbourg « le casque de Bismarck brille où flottait la bannière tricolore de France ! » Il est permis de conclure de toute la conduite de la démocratie socialiste que la plus grande partie des ouvriers d’Allemagne prend part à la vie politique; refusant de suivre les réformateurs, elle n’espère que d’une révolution sociale l’amélioration de son sort. Elle est en guerre ouverte contre