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chapelle lui ferme bientôt la route à gauche. Néanmoins il sonde les environs, cherchant partout quelque issue secrète, car il sait avec quel soin jaloux les Égyptiens dérobaient aux profanes l’accès des tombes les plus vénérées. Les magnificences inouies des sépultures pharaoniques offrent cette particularité remarquable, qu’elles étaient exclusivement consacrées au défunt. Rien n’y était concédé au faste d’une vanité mondaine. La piété de ces peuples voués au culte de la mort ne souffrait aucun partage; les richesses décoratives dont on se plaisait à parer la dernière demeure étaient ensevelies à tout jamais dans la profondeur du sol, et ces chambres décorées de mille peintures étaient murées pour l’éternité dès que la momie s’y trouvait déposée. La recherche d’une tombe égyptienne est donc une sorte de chasse où les ruses et les calculs du chercheur sont sans cesse mis en défaut par les feintes, les fausses issues et les subtiles inventions de ces ingénieux protecteurs de la mort. Après avoir vainement exploré la route de gauche, M. Mariette se décide à suivre la direction opposée aussi loin que le permettront les ressources matérielles dont il disposait. Hélas! ces pauvres 8,000 francs destinés à couvrir tous les frais de la mission tirent bientôt à leur fin, et les dépenses augmentent en raison inverse de la distance parcourue, car il n’est plus possible de se borner à de simples sondages. Dans le dromos et sur les côtés, formés de deux murs à hauteur d’appui, tout devient intéressant ; il faut tout mettre au jour. Voici deux chapelles encore : l’une donne un des précieux Apis que l’on admire aujourd’hui au Louvre, au pied de l’escalier Henri IV; l’autre est de l’époque grecque. Apparaît ensuite un petit génie assis sur un cerbère, un autre à cheval sur une lionne, puis un paon, et aucune inscription; toujours l’imprévu, pas une seule indication précise. Enfin, après deux mois de fouilles dans le dromos, la pioche des fellahs vint heurter, vers les premiers jours de mars, le seuil du Sérapéum. M. Mariette cette fois pouvait se croire près du but; il n’était pas même au commencement de ses épreuves.

Les cheik-el-beled ou chefs de village sont en Égypte de petits personnages. Ils lèvent les impôts, administrent les bourgades presque sans contrôle, règlent le travail, en un mot exercent sur les habitans une véritable dictature; on ne peut rien sans eux et surtout malgré eux, car, autorisant les corvées et en fixant le tarif, quand elles sont payées, ils peuvent aussi s’opposer à l’embauchage des fellahs pour le service des étrangers. Le village le plus rapproché du chantier des fouilles était Saqqarah. Or c’est au moment même où le pylône de Sérapéum venait d’être reconnu que le cheik de ce village refusa de laisser venir les travailleurs gagés au désert. Un coup de vent ayant déchiré et abattu les tentes de M. Mariette, il ne put même obtenir de la rigueur inexplicable de ce cheik les