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temple lui-même avec toutes ses chambres . Il ne s’y trouve pas une ligne de texte, pas un détail des tableaux sacrés et de l’ornementation qui ne soit accessible aux recherches du savant et à la curiosité du voyageur. Il a été construit en entier par les Ptolémées, entre les règnes de Philométor et d’Évergète II, en l’espace de quatre-vingt-quinze ans. Les dimensions sont de 76 mètres de façade sur 137 de profondeur. Nous ne parlons que pour mémoire des fouilles d’Assouan (Syène), de l’île où fut Éléphantine, et des travaux de déblaiement de la petite île de Philae, puis de ceux d’Ipsamboul et du Gebel-Barkal au fond de la Nubie. Il faut rappeler cependant que c’est de ce dernier point qu’a été tirée la stèle qui a éclairé d’un jour nouveau toute l’histoire de l’invasion et de la domination éthiopienne de Tahraka dans la vallée inférieure du Nil.

Les vingt-deux mille monumens du musée de Boulaq ne sauraient d’autre part donner qu’une idée très imparfaite des résultats obtenus : ils ne constituent, si l’on peut ainsi parler, que le menu mobilier des temples, des palais et des tombes. Il faut voir sur place ces édifices eux-mêmes dans toute leur majesté, ces sépultures si variées avec leurs richesses décoratives; il faudrait surtout, — et cette bonne fortune nous a été donnée, — pouvoir assister à ces découvertes, voir par centaines les momies surprises dans leurs demeures, tirées de leur sommeil de quarante ou cinquante siècles, et arrachées à la couche où Anubis les avait déposées; il faudrait visiter la torche à la main ces chambres couvertes de peintures vierges, d’un éclat et d’une fraîcheur qui laissent bien loin derrière elles les maisons de Pompéi ; mais ce qui dépasse tout le reste en intérêt, c’est une visite à Dendérah et à Edfou en compagnie de Mariette-Bey. Depuis vingt-trois ans qu’il interroge la terre des Pharaons, il est devenu le familier d’Ammon et de Ramsès, car il a forcé les portes du sanctuaire, et là, seul avec le dieu, comme autrefois les Pharaons et les Ptolémées, il a vu face à face Osiris à Abydos, Apis au Sérapéum, Horus à Edfou, Hathor à Dendérah. Ils ont eu de longs entretiens ensemble dans le silence et les ténèbres. Ce qu’ils lui ont révélé, nous allons le dire.


IV.

Le premier, M. Mariette a compris qu’un temple n’était pas une suite de chambres, de tableaux et de textes sans liens entre eux, et dont il soit permis de détacher des fragmens pour leur attribuer un sens complet et indépendant. Un temple est un livre bien fait dont l’idée principale est développée d’après un plan arrêté, dans un ordre voulu, et dont toutes les parties étroitement liées entre elles concourent à l’intelligence de l’ensemble. C’est dans cet esprit qu’a