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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 2.djvu/388

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le corps législatif et le sénat d’abord pour le 11, puis pour le 9 août ; il ne faisait que trahir son impuissance et son effarement par ses premières paroles, par ses premières déclarations devant les chambres.

À entendre le gouvernement, rien n’était compromis ; on paraissait être vaincu, on ne l’était pas, quelques corps seulement avaient éprouvé des échecs. « Aucune de nos défenses naturelles, disait-on, n’est entre les mains de l’ennemi. Nos ressources immenses sont intactes… » Puis aussitôt on proposait « la levée en masse de tout ce qui était valide dans la nation. » On allait organiser partout la garde nationale, appeler à l’activité les hommes de l’inscription maritime, les douaniers, jusqu’à des « régimens de pompiers, » augmenter la garde mobile et former une armée nouvelle de 450,000 hommes. « Tout est préparé, ajoutait-on ; Paris va être en état de défense, et son approvisionnement est assuré pour un long siège… » D’abord rien de tout cela n’était vrai. On n’avait rien préparé à Paris, on n’y avait pas même pensé, il n’y avait aucune espèce d’approvisionnement, et c’était une hâblerie déplacée de parler d’une armée nouvelle de 450,000 hommes lorsque, pour commencer la guerre, tout ce qu’on avait pu faire, en prenant presque tous les régimens de l’armée française, avait été de réunir un peu plus de 200,000 hommes. Que signifiait après tout cet exposé futile et inconséquent ? Si rien n’était compromis, comme on le disait, où était la nécessité de ces mesures extrêmes qui ressemblaient à un tocsin d’alarme ? Si la situation était assez grave pour exiger du pays les derniers sacrifices, si on était à ce point qu’après une journée de combat sur la frontière on dût prévoir un siège de Paris, qu’il fallût appeler à l’activité jusqu’aux pompiers, quel était donc ce gouvernement qui avait exposé la France à de si terribles surprises, à de si soudaines catastrophes ? Quelle confiance pouvait-il inspirer ?

La vérité est qu’il n’inspirait aucune confiance à qui que ce soit, et que le ministère était le premier atteint dans sa situation, dans son crédit, par ces malheurs auxquels il ne savait opposer qu’une vaine agitation, après les avoir préparés par son imprévoyance. Si M. Émile Ollivier ne le voyait pas, c’est qu’il avait la vanité de se croire toujours nécessaire et qu’il espérait encore se servir de la popularité du général Trochu, qu’il essayait tardivement et inutilement d’appeler à la direction des affaires militaires. Si la veille de l’ouverture des chambres l’impératrice avait refusé le renvoi du cabinet à une députation du corps législatif, qui s’était rendue aux Tuileries pour le demander, le lendemain la question était tranchée par le corps législatif lui-même dès la première séance. Le cabinet avait à peine paru, il avait à peine lu une partie de son exposé qu’il était déjà jugé et condamné ; il s’affaissait sous une sorte