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sans doute de faire entendre que l’expédition projetée n’avait aucune intention hostile contre la domination britannique. Ce diplomate s’expliqua tant bien que mal avec les ministres anglais. En tenant compte des réserves et des sous-entendus que comportent les négociations diplomatiques, ceci parut convenu, qu’il était temps de tracer une zone neutre entre l’Inde et le Turkestan russe.

Cette zone neutre doit être formée par l’Afghanistan; dès le premier jour, on fut d’accord sur ce point, que les Russes acceptaient aisément parce que cela leur laissait toute liberté d’action dans la Transoxiane, et que les Anglais proposaient sans doute parce qu’ils ne pouvaient demander mieux. Depuis le meurtre de Stoddart et de Conolly, quelques voyageurs anglais ont visité les pays ousbegs; mais ni le vice-roi de l’Inde ni le gouvernement de la métropole n’ont envoyé aucun personnage officiel jusqu’à Bokhara. En second lieu se posait une autre question non moins importante. Quelles sont les limites actuelles de l’Afghanistan? Cet état n’est pas borné par l’Hindou-Kouch, comme on se le persuade souvent en Europe. Au-delà de cette chaîne, l’émir de Caboul prétend exercer la souveraineté sur les provinces de Maimene, de Balk et de Koundouz, qui s’étendent jusqu’à l’Oxus, et aussi sur les districts montagneux du Badakchan et du Ouakchan, situés près des sources de ce grand fleuve. Soit, répondit le négociateur russe, votre proposition est admise; nous pourrions bien contester que cette région soit partie intégrante du territoire afghan, puisque c’est une conquête récente dont la population est plutôt tartare qu’iranienne d’origine, et que Shire-Ali fait administrer maintenant encore par des chefs indigènes, se contentant d’en recevoir le tribut annuel. Les troupes du tsar ne franchiront pas cette frontière tant que l’émir de Caboul s’abstiendra de la franchir lui-même. L’influence anglaise prédomine en Afghanistan; que le gouvernement anglo-indien sache empêcher l’émir de Caboul de chercher querelle à ses voisins du nord qui seront nos protégés.

Telle parait être l’issue de cette négociation, autant que les dépêches échangées et les déclarations des ministres devant le parlement permettent d’en juger, car il n’y a pas eu de traité. Au reste, il n’y aurait rien de plus lors même que la Russie se serait engagée par écrit à ne point passer l’Oxus; il lui resterait toujours le prétexte d’une provocation. Le traité de Paris, par lequel elle s’engageait, il n’y a pas longtemps, à ne pas avoir d’escadre dans la Mer-Noire, était bien autrement solennel qu’une convention relative aux frontières de l’Asie centrale; l’Angleterre sait comme la Russie s’en est peu embarrassée le jour où elle s’est trouvée d’humeur à s’en délier. Le résultat le plus clair est que le vice-roi se trouve