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on n’a pas menacé l’Occident. Le souverain autrichien est allé chercher à Saint-Pétersbourg, non une alliance active pour des desseins précis et arrêtés, mais une garantie de paix échangée au milieu des fêtes, dans un intérêt commun. C’est déjà beaucoup, puisque la situation extérieure de l’Autriche, dégagée de l’incessante préoccupation d’un conflit toujours possible entre les politiques des deux empires, en devient plus simple et plus aisée. N’y eût-il que ce résultat, il suffirait à l’Autriche, replacée dans des conditions de sécurité au centre de l’Europe, et libre de consacrer tous ses efforts à ses affaires intérieures. Aussi l’empereur François-Joseph est-il revenu, dit-on, visiblement satisfait de son voyage, gardant la meilleure impression de la brillante hospitalité qu’il a reçue à Saint-Pétersbourg. Il est revenu pour trouver en rentrant tous les tracas intérieurs de l’empire austro-hongrois, non pas précisément des difficultés comme il y en a eu quelquefois, mais une discussion parlementaire des plus sérieuses à Vienne, et une crise ministérielle à Pesth.

La discussion très animée, très vive, qui s’agite pour le moment dans le Reichsrath de Vienne, a trait à une question certainement des plus graves, aux lois confessionnelles proposées pour régler les nouveaux rapports de l’état et de l’église. L’Autriche est devenue une monarchie libérale ; elle ne pouvait évidemment maintenir comme une loi souveraine un concordat signé avec Rome dans un temps de réaction absoluttiste et cléricale. Le gouvernement autrichien ou cisleithan n’a nullement l’intention de suivre M. de Bismarck dans la guerre où il s’est engagé contre l’église catholique ; il veut tout simplement remplacer un régime de prépondérance théocratique par un régime de garanties civiles, mettre l’action et les droits de l’église en rapport avec le caractère libéral des institutions nouvelles. C’est là l’objet des lois confessionnelles. Le ministre des cultes a nettement défini ces lois en disant qu’on veut, « non faire la guerre à l’église, mais régler ses relations, afin qu’elle puisse accomplir librement sa mission sans empiéter sur les droits de l’état, » et le chef du cabinet, le prince Auersperg, répondant à une menace de résistance, a déclaré qu’on ferait énergiquement respecter la législation nouvelle. C’est la même question qui s’agite partout, quoique dans une mesure et dans des conditions différentes. À Vienne, elle est plus qu’à demi, résolue par une majorité considérable qui a déjà sanctionné une partie des propositions libérales et modérées soumises au Reichsrath, et le début, si vif qu’il soit, n’a rien qui puisse mettre en doute l’existence du ministère cisleithan.

Ce qui se passe à Pesth est d’un ordre différent, et la crise ministérielle que l’empereur François-Joseph a trouvée déjà flagrante à son retour de Pétersbourg tient en définitive à toute une situation qui va depuis quelques années en se compliquant, en s’aggravant. La Hongrie, après le premier essor qui a suivi la grande transaction de 1867, est