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de lui. M. de Lonyay lui-même a été mis en avant pour former un cabinet ; mais M. de Lonyay, malgré une situation considérable, est resté peu populaire ; il rencontrerait probablement aussitôt toutes les difficultés devant lesquelles il est tombé l’an dernier. Un autre nom des plus sérieux, des plus importans, a été enfin prononcé, celui du baron Paul Sennyey, qui a été dans le gouvernement de la Hongrie avant 1867 et qui n’a pas peu contribué à préparer les transformations de cette époque. C’est un homme d’autant d’intelligence que de courage, ayant les plus éminentes qualités pour exercer le pouvoir ; mais le baron Sennyey, qui sera peut-être le premier ministre de demain, serait à peu près impossible aujourd’hui avec un parlement qui suspecte ses tendances et ses idées, qui verrait en lui un promoteur de réaction, un conservateur à outrance, et le premier acte d’un ministère Sennyey, aussi bien du reste que d’un ministère de Lonyay, devrait être de dissoudre la chambre actuelle ; ce serait aller au-devant d’une crise qui rallumerait toutes les passions, qui deviendrait, comme toutes les crises d’élections en Hongrie, une lutte violente, peut-être non sans péril pour le pays. C’est dans ces conditions que l’empereur François-Joseph, roi de Hongrie, a trouvé les affaires à son retour de Pétersbourg, au moment où M. Szlavy s’est rendu à Vienne pour lui présenter la démission du cabinet. L’empereur ne s’est point hâté, il n’a point accepté d’abord la démission qu’on lui offrait ; avant de rien décider, il a voulu aller à Pesth, il a même rendu visite à M. Deák dans sa retraite, et ce n’est sans doute qu’après avoir tout vu, après avoir laissé aux partis le temps de se mettre d’accord ou de proposer leurs combinaisons, qu’il prendra une résolution définitive.

La question ministérielle a été plus vivement enlevée en Angleterre, dans cette vieille patrie des mœurs et des traditions parlementaires ; il est vrai qu’elle avait été nettement et souverainement tranchée d’avance par les élections. La fortune s’était prononcée, contre les libéraux et M. Gladstone, pour M. Disraeli et les conservateurs, à qui le scrutin donnait une majorité de plus de cinquante voix. La situation se trouvait fort simplifiée. M. Gladstone n’a pas laissé traîner la crise, il est allé aussitôt porter sa démission à la reine, et immédiatement s’est formé un nouveau ministère, où M. Disraeli a naturellement le poste de premier lord de la trésorerie, où entrent avec lui lord Derby comme chef du foreign office, le duc de Richmond avec la présidence du conseil privé, lord Cairns comme lord chancelier, le marquis de Salisbury comme ministre de l’Inde, M. Gathorne Hardy comme ministre de la guerre, M. Cross comme ministre de l’intérieur, sir Statford Northcote comme chancelier de l’échiquier. Le comte de Carnarvon, le comte de Malmesbury, lord John Manners, M. Ward Hunt, complètent le cabinet. M. Disraeli du reste n’a pas laissé de montrer du tact, une ingénieuse habileté dans la manière dont il a composé le ministère et distribué les