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LES
RUSSES A SÉBASTOPOL
d’après les documens publiés sous les auspices du Césarevitch.

Bien des événemens auraient dû faire oublier l’année 1855. La dernière guerre surtout semblerait devoir effacer de notre mémoire toutes les guerres précédentes, puisque les victoires de Crimée, d’Italie et d’outre-mer ont eu pour épilogue l’affaiblissement de notre puissance. Et pourtant, si quelque souvenir de notre passé militaire pouvait nous rendre confiance en nous-mêmes, ce serait assurément le siège de Sébastopol. Précisément parce que le succès a été laborieusement, longuement disputé au milieu de sanglantes péripéties, et qu’il n’y eut là de surprise pour personne, on peut dire que la victoire a été bien acquise. En Crimée, il a fallu à nos soldats tous les genres de courage contre un ennemi qui les avait tous : tantôt l’élan impétueux du champ de bataille, tantôt la bravoure aventureuse de la guerre nocturne, tantôt la froide intrépidité de la tranchée ou la patience inébranlable à toutes les privations, aux maladies contagieuses, aux rigueurs du climat. Pendant onze mois, les deux armées ennemies sont restées en présence comme en un champ-clos, s’offrant l’une à l’autre la revanche jusqu’au dernier moment. Ni l’intrigue, ni la famine ne sont venues faciliter notre succès. En 1870 et 1871, on a bombardé et brûlé, presque sans péril pour l’agresseur, quinze ou vingt villes françaises qui n’avaient souvent de places fortes que le nom, et qui ont tenu cependant à honorer leurs vieux remparts ; mais dans toute cette campagne de sièges combien les Allemands trouveront-ils à citer d’actions comme la prise des Ouvrages-Blancs, l’enlèvement du Mamelon-Vert ou les deux assauts de Malakof ? Si cette guerre d’Orient est populaire