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la tolérance et d’une paix durable. « Je ne serai pas toujours ici, dit-il après un moment de silence, et vous n’aurez pas toujours le prince Maurice et quelques autres hommes qui connaissent parfaitement l’état de vos affaires. Que messeigneurs les états se lèvent et agissent tandis qu’ils les possèdent. Mardi prochain, je ferai couronner la reine à Saint-Denis; jeudi, elle fera son entrée à Paris. Le jour suivant, vendredi, je partirai. A la fin du mois, je passerai la Meuse à Mézières ou aux environs. »

Toutes ces paroles furent transmises aux états dans un rapport qui n’a jamais été publié. C’est le 6 mai que le roi disait : « Je ne serai pas toujours ici. » Le 14 mai, il était frappé par Ravaillac. La France était décapitée, plus à plaindre que la Hollande : celle-ci gardait Maurice et Barneveld. Rien n’était changé à La Haye, tandis qu’à Paris la reine, Concini, Bouillon, Épernon, Condé, se disputaient les dépouilles d’un grand règne, que Sully était disgracié, que Villeroy reprenait la direction des affaires étrangères. Le vieux secrétaire d’état, rompu sous quatre règnes aux affaires, n’avait ni générosité ni grandeur; il avait été ligueur, il aimait avant tout le pouvoir et l’argent, mais il n’était pas dénué d’une sorte de patriotisme pour ainsi dire professionnel. Il pleura en recevant la première visite d’Aerssens. Il Pauvre France, » soupirait-il sans cesse. — « Vous trouverez tous les conseillers de la reine, dit-il, ardens à remuer dans un sens diamétralement opposé aux vues du feu roi. » La reine aussi versa des larmes abondantes en recevant la visite de condoléance de l’envoyé hollandais : elle serait fidèle aux plans de son époux, elle maintiendrait ses alliances, elle protégerait les deux religions. Ces phrases n’étaient que sur les lèvres. Barneveld envoya bientôt Van der Myle en mission extraordinaire pour offrir les condoléances solennelles des états. Villeroy, à travers ses larmes, ne cacha point que la France pendant une minorité serait incapable de rien entreprendre. Les princes se maintiendraient bien dans les duchés avec l’aide seule des états. La France n’était pas sûre du roi Jacques. Il lui faudrait peut-être chercher bientôt d’autres alliés. Il ne nommait point l’Espagne, mais il ne songeait assurément qu’à cette puissance. Que pouvait Villeroy quand tous les princes du sang penchaient de ce côté?

Qu’allait devenir la Hollande? On tâta le roi Jacques, mais ce grand théologien se contenta de faire des sermons aux états. Il leur recommanda l’union et leur donna ses vues sur la prédestination. Le duc de Savoie, pris au piège, envoya son fils en Espagne pour implorer son pardon. Venise tremblait. Les Hollandais restaient seuls, et seuls ils se mirent en campagne. Le 13 juillet 1610, Maurice avec 13,000 hommes de pied, 3,000 chevaux et trente pièces de canon, marche droit sur Juliers et en commence le siège. Après une défense