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L’IMPÉRATRICE LIVIE
ET
LA FILLE D’AUGUSTE

Bossuet, dans l’antiquité, ne voit que le peuple juif; Dante, lui, ne voit que Rome. Auguste est à ses yeux le souverain légitime par excellence; Auguste est de droit divin, et voici par quelle dialectique procède le grand théoricien de la monarchie. L’Évangile selon saint Luc porte que le Christ a voulu naître sous l’édit de Rome, ce qui nécessairement implique la légalité de cet édit, et, comme il n’y a qu’un légitime souverain qui soit en état de formuler un édit légal, il s’ensuit que César Auguste est le plus légitime des empereurs. Cette qualité appartiendra également à son successeur, car Jésus-Christ, né sous le règne d’Auguste, est mort sous le règne de Tibère, et pour que l’acte d’éternelle rédemption, pour que le mystère de la croix soit une vérité, il faut qu’il y ait eu là, pour prononcer l’arrêt de condamnation, un juge institué légalement, sans quoi la mort du juste, au lieu d’avoir été le juste châtiment de nos péchés, ne serait qu’une simple et vulgaire iniquité. Or ce juge fut Ponce Pilate, lequel tenait ses pouvoirs de Tibère, empereur par la grâce de Dieu ! « Une fois seulement, sous le règne d’Auguste, à l’heure choisie par le Sauveur pour descendre sur la terre, une fois seulement, écrit Dante, il fut donné aux hommes de contempler la monarchie dans la plénitude et la magnificence de son épanouissement. L’univers pacifié reconnaît la loi d’un maître unique, l’humanité respire et frémit d’aise, Paul lui-même nous l’atteste, qui proclame cette période une bénédiction. « 

Je me figure Dante (le Dante du traité de Monarchia) une sorte de pèlerin du moyen âge circulant à travers l’antiquité classique. Chemin faisant, il distribue sur ce monde du paganisme les foudres