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La physionomie de Montbrison est très particulière, et nous voudrions en bien marquer la nuance. Ce n’est pas celle d’une ville antique, car elle est d’origine fort moderne ; ce n’est pas celle d’une ville autrefois vivante et maintenant morte, car même à l’époque de sa plus grande splendeur elle ne dut jamais être beaucoup plus bruyante qu’aujourd’hui ; c’est celle d’une ville qui a doucement vieilli, et qui s’est retirée de bonne heure des affaires de l’histoire. Telle a été en effet la destinée de Montbrison : entrée tard dans la carrière, cette ville en est sortie tôt. Montbrison est entièrement une création de la féodalité, et encore de la féodalité de la seconde époque, car elle ne vint au monde que lorsque les comtes issus de la maison fameuse des dauphins du Viennois eurent succédé d’une manière stable aux dominations plus ou moins passagères qui gouvernèrent la province pendant la longue période d’anarchie qui va de la dissolution de l’empire carlovingien à l’établissement assuré de la dynastie capétienne, comtes de Lyon, comtes de Gévaudan, etc. Jusqu’alors, ainsi que nous l’avons déjà dit, Feurs avait été la capitale du Forez ; mais, lorsque commencèrent les temps de guerres féodales, les désavantages de la situation de cette ville se firent sentir aux maîtres de la province, comme siège du pouvoir militaire, et ils s’appliquèrent à chercher un lieu de meilleure défense. Ils crurent d’abord l’avoir trouvé à Sury-le-Comtal, gentille petite ville que l’on aperçoit en allant de Saint-Étienne à Montbrison, assise au pied d’une colline coquette, couronnée de la pittoresque carcasse d’un vieux prieuré : le surnom de cette ville garde d’une manière durable le souvenir du séjour passager qu’y firent les comtes forésiens. Enfin au XIIe siècle les maîtres du Forez, sans abandonner Sury, firent choix plus particulièrement de Montbrison, et alors naquit la ville, qui prit son extension complète au XIIIe siècle. Son éclat dura deux cents ans, après quoi ayant été enclavée, par suite du mariage du duc Louis II avec l’héritière du Forez, dans les états des ducs de Bourbon, elle perdit son autonomie propre, et passa dans une condition de demi-dépendance dont ne put que médiocrement la consoler le titre de capitale du Forez, que lui donna, vers le milieu du XVe siècle, le duc Charles Ier de Bourbon. C’était lorsqu’elle n’en portait pas le titre qu’elle avait été réellement capitale ; mais dans les choses de l’histoire combien de fois le titre arrive lorsque la puissance n’est déjà plus ! Ce titre de capitale, déjà fort illusoire à l’époque où il lui fut officiellement donné, le devint bien davantage quatre-vingts ans plus tard, lorsque le Forez fut étroitement rattaché à la couronne par la confiscation des domaines des ducs de Bourbon, conséquence de la défection du connétable. Montbrison ne fut plus dès lors qu’une ville de province, mais, se souvenant de son origine, il se montra toujours fort attaché