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réunions que celles des chanoines, car la noblesse du Forez y tenait ses assemblées sous la présidence de ses comtes, et de fait c’est ce dernier usage qui a donné à l’édifice, sinon son architecture première, au moins sa décoration et le caractère avec lequel il est arrivé jusqu’à nous. Ce bijou architectural est très particulièrement aristocratique. La façade, à la fois mignonne et forte comme une belle fille de la noblesse rustique et provinciale, tranche par sa décoration d’une originalité robuste avec la délicate décoration gothique; rien de fleuri, ni de fouillé, quelques ornemens, mais pleins et parlans. Au centre, une rosace environnée de jolies lucarnes qui lui font cortège comme une étoile environnée de petits satellites; au-dessous de la rosace, les armoiries des comtes de Forez avec leur poisson bizarre; au-dessous des lucarnes, quelques figurines humaines très en relief, et tout au sommet de l’édifice, comme suprême couronnement, deux grands lévriers bien allongés dans une attitude de repos, de l’effet le plus inattendu et le plus charmant, décoration qui, comme vous le voyez, répond au nom de l’édifice. C’est bien la Diana, ces deux lévriers en font foi. Entrons maintenant dans la salle; c’est tout à fait le local approprié à des réunions de caste, dont les membres sont comptés, aussi nombreux qu’ils soient, et n’ont pas à craindre d’être augmentés par un hasard de curiosité d’un surcroît de visiteurs. Voûtée en ogive et cependant formant berceau comme une longue tonnelle, elle m’a rappelé la forme de ce temple rustique élevé par Céladon à sa déesse Astrée en rapprochant les cimes des arbrisseaux encore flexibles. La décoration de cette voûte, imaginée au commencement du XIVe siècle par le duc Jean Ier, est entièrement héraldique. La surface est divisée en quarante-huit bandes, et chacune de ces bandes est coupée à son tour en trente-six petits carrés. Ces quarante-huit bandes représentent les quarante-huit maisons appartenant à la noblesse du Forez, ou ayant des droits ou des intérêts majeurs dans la province, et le blason de chacune de ces maisons est répété trente-six fois par les carrés de la bande qui lui appartient. Sur la muraille, au point de départ de l’ogive, une longue bande de décorations se déroule tout le long de la salle comme une bordure peinte autour d’une tapisserie; ce sont, comme toujours, des figures héraldiques, des dauphins, — de vrais dauphins cette fois, et non plus de vulgaires poissons, ce qui suffirait pour indiquer que cette décoration est déjà bien loin du temps grossier où le blason des comtes forésiens prit naissance, — des centaures encapuchonnés, des satyres, blason de la province même et non plus de ses maîtres. Une chose à remarquer dans cette bordure, c’est qu’elle n’a rien de gothique et qu’elle rappelle jusqu’à un certain point, par la manière dont elle est traitée,