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REVUE. — CHRONIQUE.

ques. » Ces jours derniers enfin, M. le duc de Broglie, comparaissant devant la commission des trente, a prononcé des paroles qui ne sont pas moins significatives, qui relèvent le caractère du septennat en l’affranchissant de toute solidarité avec une politique exclusive, en replaçant le chef de l’état dans une sphère de haute impartialité, et M. le vice-président n’a fait, selon son aveu, que reproduire la pensée du maréchal lui-même en disant : « Libre de tout engagement envers aucun parti, c’est avec le concours de tous qu’il désire et entend gouverner. »

De ces déclarations successives qui s’enchaînent et se complètent, les unes peuvent répondre aux jactances bonapartistes, les autres répondent évidemment aux prétentions légitimistes ; elles tendent toutes, par une sorte de développement graduel, à élever le septennat au rang d’une institution supérieure, indépendante et irrévocable ; mais c’est ici que se dévoile le jeu des partis déconcertés, irrités, manifestant leur mauvaise humeur croissante tantôt par les réserves du jeune M. Cazenove de Pradines, tantôt par la déclaration de guerre de la proposition Dahirel, un jour par une motion de M. de Franclieu revendiquant la souveraineté de l’assemblée, un autre jour par une lettre acerbe de M. le vicomte d’Aboville. Bref, il est clair que les légitimistes intransigeans, aiguillonnés par la menace d’un régime de quelque durée, sont en train de devenir des ennemis pour le gouvernement, et M. le président de la république lui-même n’est point épargné.

Quoi donc ! est-ce que le septennat va maintenant avoir la prétention de se prendre au sérieux ? est-ce qu’il a été fondé pour cela ? Il est donc vrai, et des ministres eux-mêmes l’avouent, le maréchal pourrait prendre ses conseillers là où il le trouverait bon ! il a désire et entend gouverner avec le concours de tous les partis ! » Des ministres pris peut-être dans le centre gauche, des lois constitutionnelles, la république septennale organisée ! mais, s’il en est ainsi, rien n’est plus clair, nous allons aux radicaux, à la révolution, à la commune. « Alors, dit-on naïvement, pourquoi avoir renversé M. Thiers ? Sous son principat, notre commerce intérieur languissait moins et la France n’était pas plus insultée à l’étranger qu’elle ne l’est aujourd’hui. » Non, le commerce ne languissait pas sous M. Thiers, la France se relevait peu à peu, et au moment où l’ancien président de la république a été renversé, il venait de signer les derniers traités consacrant la libération du territoire ; mais M. Thiers avait commis un grand et irrémissible crime qu’on lui a fait expier. Il avait refusé de se faire lui-même l’instrument d’une restauration royale qu’il jugeait impossible, et, puisque le maréchal de Mac-Mahon commet le même crime, puisqu’il ne « craint pas de répondre au roi » qu’il pourra « repasser en 1880, » il est tout simple qu’on traite le président de la république d’aujourd’hui comme le président de la république de l’an dernier. Et voilà ce qu’on a gagné ! Le chef du ministère, M. le duc de Broglie, n’a