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LA
POLITIQUE RELIGIEUSE
DE LA SUISSE

L’état moderne est menacé de deux manières dans sa notion fondamentale : d’une part l’ultramontanisme la nie sans détour et s’efforce d’y substituer l’idée théocratique; de l’autre, l’école autoritaire tend à faire sortir l’état de la neutralité qu’il doit garder vis-à-vis des diverses formes religieuses. Il flotte ainsi entre l’asservissement et le despotisme, entre le cléricalisme et les constitutions civiles du clergé. Dans un cas comme dans l’autre, il perd son caractère laïque, qui est sa manière à lui d’affirmer son respect pour la conscience humaine.

L’état autoritaire peut être aussi bien démocratique que monarchique. On l’a vu, sous la seconde forme, s’armant à Berlin jusqu’aux dents contre l’ultramontanisme et cherchant à soumettre l’église catholique à une législation qu’elle ne saurait accepter sans se transformer dans son essence; il est ainsi conduit par la logique des choses à des mesures de rigueur qui au premier abord semblaient pouvoir être évitées. Aujourd’hui c’est une des démocraties les mieux assises, les plus justement respectées, qui nous révélera cette tendance des états contemporains à sortir de leurs limites et à répondre aux provocations du fanatisme par une exagération en sens contraire. Certes il faut que la crise soit bien aiguë pour que la république helvétique cède sur plus d’un point à l’entraînement fatal de ces tristes représailles. Pour être juste, il faut se souvenir d’o% vient la déclaration de guerre et quels brandons de discorde ont été allumés en 1870, le jour où la proclamation de l’infaillibilité papale, commentée par le Syllabus, a retenti comme un défi et une