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de l’année 1872, le conseil d’état apprit de l’évêque de Fribourg, à l’occasion de deux nominations de curés, que M. Mermillod était l’évêque de Genève investi directement par la curie romaine. Le conseil d’état signifia à l’abbé Mermillod qu’il ne le considérerait jamais comme évêque, qu’en conséquence il eût à s’abstenir de tout acte qui impliquerait cette haute fonction. M. Mermillod répondit en invoquant sa subordination vis-à-vis de Rome. L’évêque de Fribourg de son côté renouvela ses déclarations d’incompétence pour la nomination des curés, car il se regardait comme remplacé par son collègue de Genève. C’en était trop; le conseil d’état rendit le 20 septembre 1872 un arrêté par lequel M. Mermillod cessait d’être reconnu comme curé et voyait son traitement supprimé; il lui était interdit de remplir aucun acte sacerdotal dans le canton. Ces mesures étaient strictement légales; le conseil d’état dépassa son droit en annonçant le 22 octobre qu’il présenterait au grand-conseil un projet de loi sur l’élection des prêtres par les fidèles.

Dès le commencement de l’année 1873, les événemens se précipitèrent. Au lieu d’entrer en transaction, le pape lançait le 16 janvier un bref par lequel il nommait l’abbé Mermillod son vicaire apostolique. La question cantonale devenait ainsi fédérale, car elle intéressait directement les rapports de la Suisse et du saint-siège. Le conseil fédéral remit immédiatement au nonce apostolique, Mgr Agnozzi, une note ferme et modérée dans laquelle il rappelait que les mesures prises par le saint-siège concernant le nombre, la circonscription et le dénombrement des évêchés suisses avaient un caractère à la fois confessionnel et politique, et qu’elles ne pouvaient être prises que du consentement de l’autorité civile. Le saint-siège d’ailleurs avait déjà traité plus d’une fois avec les autorités fédérales au sujet de l’organisation du culte catholique en divers cantons, notamment dans le Tessin, peu de mois auparavant; il était même en pourparlers avec le conseil fédéral sur la question genevoise, quand le bref du 14 janvier était venu mettre fin à ces négociations. « Dans cette situation, portait la note, le conseil fédéral doit revendiquer hautement les droits de l’état. La confédération ne reconnaîtra à l’avenir, comme elle n’a connu jusqu’à présent, que le diocèse de Lausanne et de Genève[1]. » Sommé de se soumettre aux décisions des autorités cantonales et fédérales, l’abbé Mermillod résista. Le conseil fédéral rendit alors le 17 février un arrêté qui le bannissait du territoire de la Suisse jusqu’au jour où il aurait renoncé à exercer la charge de vicaire apostolique.

  1. Verhandlungen des Nationalrathes über den Recurs Mermillod. Discours de M. Cérésole, président de la confédération.