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congrès de Constance l’avait nommé son vice-président. Rapporteur de la commission au conseil des états, il insista avec une grande force sur la nécessité de maintenir la clause interdisant aux églises l’application d’une discipline toute spirituelle, et il triompha au vote, malgré un discours très net de M. Cérésole. Il fut moins heureux dans sa tentative de faire effacer la réserve en faveur de l’église contre l’usurpation de l’état. M. Velti fit passer une nouvelle rédaction qui ne faisait que reproduire l’article 44 de la constitution de 1848, ainsi conçu : « Toutefois les cantons et la confédération pourront toujours prendre les mesures propres au maintien de l’ordre et de la paix publique contre les confessions. » Le conseil des états admit encore une modification au projet qui lui avait été transmis. L’article 49 portait que nul n’est tenu de payer des impôts dont le produit est affecté aux frais du culte d’une confession ou d’une communauté religieuse à laquelle il n’appartient pas. M. Cérésole fit remarquer qu’on pourrait inférer de cet article que les citoyens ont le droit de se refuser de participer au budget des cultes dans le canton où il est maintenu. « Je suis, dit-il, partisan convaincu de la séparation de l’église et de l’état, et je crois que l’avenir lui appartient, mais je ne pense pas que ce soit à la confédération à l’imposer aux cantons. Il me semble surtout que ce n’est pas en prenant les églises nationales par la famine qu’il faut séparer l’église de l’état. » En conséquence de ces observations, l’article fut ainsi rédigé : « Nul n’est tenu de payer des impôts dont le produit est spécialement affecté aux frais proprement dits du culte d’une communauté religieuse à laquelle il n’appartient pas. » Les amendemens du conseil des états furent reportés au conseil national dans la séance du 22 janvier 1874. Malheureusement le parti autoritaire l’emporta sur la clause si grave qui stipule les droits de l’état à l’exclusion des droits de l’église. Il fut entendu qu’elle seule était dans le cas d’usurper, et qu’il n’y aurait aucune protection à lui accorder contre les empiétemens de l’état.

Le projet de révision sortit de cette double délibération beaucoup moins libéral que sous sa forme primitive, bien qu’il ait conservé les clauses si excellentes sur le mariage civil et la liberté de conscience. Il est regrettable qu’il n’ait pas conservé dans une mesure suffisante la liberté des associations religieuses en leur laissant le droit de se multiplier sous la forme qui leur plaît et de se défendre par l’usage de la discipline ecclésiastique. Il est vrai que sur ce point le conseil fédéral maintient son interprétation. La nouvelle constitution qui va être présentée en bloc au vote du peuple suisse le 18 avril prochain aura sans doute réalisé quelques progrès importans; mais les restrictions qu’elle apporte à la liberté