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du prince Bezborodko. Un legs de M. Botkin, bourgeois de Moscou, a permis à l’université de cette ville d’acquérir des œuvres d’art et de fonder un prix d’histoire nationale. A Holdingen, la noblesse du pays prend l’initiative pour la fondation d’un gymnase. L’école normale de Tver a été fondée et est entretenue aux frais de M. Maximof, propriétaire dans cette localité. Ces quelques exemples de libéralité en faveur de l’enseignement sont empruntés aux rapports de deux années seulement, 1871 et 1872, et il n’est guère de pays qui pourraient en citer de semblables. Partout on rencontre des gens aimant leur patrie, mais il en est bien peu dont le patriotisme soit éclairé et qui comprennent comment ils peuvent le mieux lui être utiles.

Le gouvernement russe vient d’adopter le service militaire personnel et général. S’il n’était pas arrêté par le manque d’écoles, il décréterait également l’instruction obligatoire, qui est le complément indispensable de l’enrôlement obligatoire. Si vous imposez la caserne, il faut aussi imposer l’école. On doit sans doute regretter de voir l’Europe, par suite de l’armement universel, se transformer en un camp, et peut-être un jour en un immense champ de bataille; mais il est des nécessités auxquelles une nation qui veut conserver son indépendance doit savoir se soumettre. Seulement, si l’état demande à chacun de porter les armes pour la défense de la patrie, son premier devoir est d’assurer à chacun en échange le bienfait de l’instruction. Le comte Tolstoï exprime son opinion à ce sujet en des termes qui méritent d’être reproduits ici. « Il faut absolument tendre à ce qu’il y ait partout des écoles primaires avec un matériel complet d’enseignement et des maîtres capables. L’un des moyens les plus propres d’atteindre ce but si élevé serait l’introduction graduelle du système de l’instruction obligatoire. Ainsi que l’a démontré l’exemple de la Prusse et en général de toute l’Allemagne, il n’y a nul doute que ce système ne soit l’instrument le plus puissant de la propagation de l’instruction dans toutes les classes de la société. Divers états provinciaux soulèvent chez nous la question de son application. » Le comte Tolstoï constate ensuite que dans la plupart des villages et même des villes il n’existe pas un nombre suffisant d’écoles. Il faut donc commencer par les établir; mais dans les deux capitales, Moscou et Saint-Pétersbourg, rien ne s’oppose à l’introduction de l’enseignement obligatoire. « Aussi me semble-t-il, ajoute le ministre, qu’il serait temps d’appliquer ce système à la jeunesse de ces deux villes, placées, sous le rapport de l’instruction, dans des conditions essentiellement favorables. Cette mesure habituerait au travail et à l’étude une foule de jeunes gens que perd maintenant l’oisiveté, et qui deviennent ainsi