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des églises de Paris que comme architecte employé par la ville à l’achèvement des bâtimens du nouveau Timbre, que la mort de M. Paul Lelong avait laissés interrompus, ou à la construction d’autres monumens diversement importans. La nomenclature seule des travaux conçus ou dirigés par lui dépasserait de beaucoup les limites que nous devons nous imposer. Sans compter certaines transformations partielles de l’Hôtel de Ville aujourd’hui détruites, hélas! comme le reste, sans compter à plus forte raison les décorations éphémères pour les fêtes successivement données sous le second empire dans cet immense édifice, il faudrait bien des pages pour tout mentionner, — depuis l’essai encore timide de la polychromie dans la nef de la petite église de Saint-Louis-d’Antin jusqu’à l’emploi qui en est fait pour ainsi dire à force ouverte sur les murs de Saint-Germain-des-Prés et sur les voûtes de Saint-Roch, — depuis les belles restaurations de Saint-Eustache et de Saint-Étienne-du-Mont jusqu’aux bâtimens pour divers services de la ville élevés de chaque côté de l’avenue Victoria. Il nous suffira de rappeler, sans relever les preuves une à une, que, si l’usage de la peinture décorative s’est depuis trente ans de plus en plus généralisé à Paris, c’est en grande partie à l’action exercée par Baltard que l’on doit rapporter cette sorte de renaissance d’un art pendant si longtemps tombé en désuétude.

Dans le domaine de l’architecture proprement dite, n’est-ce pas aussi à Baltard qu’appartient l’honneur d’avoir, mieux qu’aucun autre, su approprier aux conditions du beau les progrès que la science moderne n’avait poursuivis qu’en vue de l’utile, et de s’être servi en artiste des procédés ou des matériaux qu’on aurait pu croire exclusivement réservés aux travaux d’un ordre tout industriel? Le parti vraiment admirable qu’il a réussi à tirer de la fonte dans la construction des Halles centrales de Paris montre bien en ce sens l’ampleur libérale de ses doctrines et la rare sagacité de son esprit. Les Halles d’ailleurs ne sont pas seulement le chef-d’œuvre de Baltard, le titre principal à la réputation qu’il a obtenue et qui devra lui survivre : de toutes les grandes entreprises d’architecture menées à un en France depuis un quart de siècle, aucune n’a aussi manifestement que celle-ci le caractère exact de sa destination. Si le nouveau Palais de Justice, les vastes guichets du Louvre sur le quai, la salle de travail à la Bibliothèque, si quelques autres beaux spécimens encore de l’art contemporain se recommandent par des mérites supérieurs au point de vue du goût, de la délicatesse ou de la majesté des formes, le tout, en ce qui concerne l’invention même, la stricte convenance, la logique dans l’ordonnance générale et dans les combinaisons de détail, n’en laisse pas moins à l’œuvre