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de Baltard une valeur exceptionnelle et une éloquence d’autant plus pénétrante qu’elle est à la fois moins pompeuse et plus imprévue.

A l’époque où Baltard fut chargé de remplacer par des constructions plus dignes d’une ville comme Paris les tristes auvens qui abritaient les boutiques entassées sur la place du marché des Innocens et sur les places environnantes, ces halles nouvelles qu’on se décidait à établir avaient déjà leur légende. Nous ne parlons pas des accroissemens successifs du centre d’approvisionnement de Paris depuis que de l’île de la Cité et de la place de Grève, où ils avaient été primitivement installés, le marché dit Marchê-Palud à cause du sol marécageux qu’il couvrait et le marché appelé déjà Alle ou Halle avaient été vers 1180 transférés par ordre de Philippe-Auguste sur une partie de l’emplacement que les Halles centrales occupent aujourd’hui : nous voulons parler de la période toute moderne, de celle qui commence avec l’année 1810. Napoléon, dit-on, traversant un jour de cette année le quartier des Halles, fut frappé de la mauvaise disposition des divers marchés dont elles se composaient et de l’aspect misérable que présentaient ces milliers d’échoppes plus ou moins délabrées, d’étalages en plein vent ou de grossiers parapluies en guise de toitures. Il voulut, — nous répétons les paroles qu’on lui prête, — que « le peuple eût aussi son Louvre, » et, quelques mois plus tard, un décret paraissait au Moniteur ordonnant « la reconstruction et l’agrandissement des Halles.» Malheureusement, on le sait de reste, les événemens qui survinrent n’étaient pas de nature à favoriser l’exécution de ce projet. Le décret demeura à l’état de lettre morte pendant les dernières années de l’empire, et, tant que dura la restauration, tout se borna à quelques acquisitions de terrains et à quelques déblaiemens partiels.

En 1838 seulement, l’administration municipale entreprit d’étudier sérieusement la question et d’aviser aux moyens de donner, sinon un Louvre au peuple, comme on le lui avait un peu emphatiquement promis, du moins aux marchands et aux acheteurs un édifice assez bien combiné et assez spacieux pour satisfaire à toutes les conditions d’emmagasinage, de circulation et de salubrité. Les projets affluèrent à l’Hôtel de Ville, les enquêtes, les séances des commissions se multiplièrent, les envoyés à l’étranger recueillirent et rapportèrent les documens les plus propres à éclairer qui de droit. Bref, on travailla sans relâche, et cependant il fallut près de quatorze années encore avant qu’on arrivât à formuler des conclusions et à déterminer un programme. Enfin, dans les derniers jours de l’année 1851, on statua tant sur l’adoption d’un plan que sur le choix d’un architecte. Baltard, ayant pour adjoint M. Callet, qui devait mourir peu après, fut chargé de reconstruire les halles, non pas, tant s’en faut, telles que nous les voyons aujourd’hui, mais