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côtés moins sombres et plus attrayans, M. Guizot s’est bien gardé de les omettre. Il s’est plu à nous dépeindre les grands caractères de ce temps, le premier des Guises, Condé, Coligny ; en face de ces fanatiques sans pitié, comme le baron des Adrets, ou ce Montluc qui parcourait la Guienne en faisant pendre les huguenote aux piliers des halles sous prétexte « qu’un pendu étonne plus que cent tués, » il a placé les sages, les modérés, comme L’Hospital, qui mettaient les passions de secte au-dessous des intérêts du pays. Il les montre cherchant à s’organiser, à former un tiers-parti, bien faible encore au milieu de cette déraison générale, mais qui doit finir par rallier les esprits éclairés, qui dominera bientôt dans la haute bourgeoisie et les parlemens, et dont la Ménippée, ce chef-d’œuvre de patriotisme et de bon sens, sera l’admirable expression. Ces politiques, comme on les appelle, commencent à s’apercevoir qu’il n’est pas indispensable, quand un état est divisé entre deux religions rivales, d’exterminer l’une d’elles, pour que l’autre vive en paix ; ils pensent qu’il vaut mieux qu’elles s’accommodent ensemble par des concessions mutuelles. Ainsi dans les temps les plus sombres de notre histoire, au milieu des massacres auxquels la religion sert de prétexte, on commence à entrevoir la liberté religieuse dont l’édit de Nantes jettera les premiers fondemens. La liberté politique profite aussi des malheurs publics. Le pouvoir absolu a besoin d’être heureux pour n’être pas contesté. Au premier revers, le prestige cesse ; on ose regarder en face cette autorité souveraine devant laquelle on baissait les yeux, et l’on s’étonne de la trouver si médiocre et si vide. Si les revers continuent, elle ne peut bientôt plus résister, et en est même quelquefois réduite, ce qui est le dernier des affronts pour elle, à se mettre sous la protection de la liberté. C’est ainsi que François II et Henri III, à bout de moyens pour rétablir la concorde dans le pays, durent convoquer les états-généraux. Il est vrai que, pour en neutraliser l’effet, ils ordonnèrent à leurs baillis d’empêcher à tout prix l’élection des députés qui leur étaient contraires, et qu’ils n’hésitèrent même pas, s’ils étaient élus, à les faire attaquer sur la route par des gens décidés « à les mettre en un lieu où ils ne feraient jamais ni bien ni mal. » Mais il en réchappait toujours quelqu’un qui venait apporter à l’assemblée une parole indépendante et réclamer les droits qu’avait la nation à voter ses impôts et à prendre part au gouvernement de ses affaires.

M. Guizot, comme on le pense bien, a grand plaisir à raconter toutes ces tentatives. Ce qui le rend plus heureux encore, c’est de nous retracer le grand règne d’Henri IV. Il est charmé de ce sens droit et net, de cet esprit pratique, si éloigné de toute infatuation, si ennemi de tout mysticisme, qui se bat et négocie en même temps, qui consent à payer ce qui lui appartient pour n’avoir pas à le conquérir, qui cède à l’opinion au lieu de se raidir contre elle, et qui fait à la paix publique le