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les affaires, lui qui fait exécuter les mesures prises. Aucun acte synodal n’est valable sans sa confirmation, et il a un droit de veto dans le cas où les décisions de l’assemblée seraient contraires aux lois. Chaque année, il présente à l’empereur un rapport sur la situation générale de l’église, sur l’état du clergé et de l’orthodoxie. Le rôle du procureur-général vis-à-vis du synode est à peu près celui d’un gouvernement et d’un conseil d’état vis-à-vis d’une assemblée délibérante. Les pays orthodoxes qui ont imité la constitution de l’église russe lui ont emprunté ce rouage essentiel. Le roi de Grèce est ainsi représenté au synode d’Athènes par un fonctionnaire laïque ; si ce dernier à dans l’administration du clergé une influence moindre que son collègue de Pétersbourg, la cause en est aux mœurs politiques des deux pays.

Les affaires qui dépendent du saint-synode sont divisées en plusieurs branches, dont les unes, comme la justice et la censure ecclésiastique, sont plus particulièrement dans les attributions du synode, les autres, comme les écoles et les finances, dans celles du procureur. Les affaires ecclésiastiques se traitent par écrit et par correspondance : de là une administration compliquée, des bureaux et des dossiers de toute sorte. C’est là la principale originalité de l’église russe. La bureaucratie, de toutes les institutions occidentales celle qui s’est le mieux acclimatée en Russie, s’y est étendue du domaine civil sur le domaine religieux. Dans l’église comme dans l’état, aucune question ne se décide sans rapports et sans pièces à l’appui. Pour l’étude et l’expédition des affaires, le synode et le procureur ont chacun leur chancellerie. Ces administrations laïques, remplies de fils de popes qui n’ont pu ou n’ont voulu entrer dans le sacerdoce, ont l’influence qu’ont partout les bureaux. Leur pouvoir effectif est d’autant plus grand que la composition du synode est plus variable, et que moins de ses membres sont au courant des détails de la jurisprudence ecclésiastique. Le synode est hors d’état d’examiner toutes les questions en séance ; pour la plupart, pour toutes les affaires courantes, la décision comme le rapport, est abandonnée aux chancelleries. Les membres du synode n’ont qu’à signer. Pour plus de rapidité, on va souvent, dit-on, chercher les signatures à domicile. De là des abus, de là des anecdotes où des mots plus ou moins édifians. C’est un membre du synode qui, voyant un de ses collègues examiner un rapport, lui dit : « Ce n’est pas pour lire que nous sommes ici, c’est pour signer, ce qui est plus commode et moins long. » Ou bien c’est un prélat qui laisse surprendre sa signature dans une affaire où il est directement intéressé, à la refuser ; parfois même, prétend-on, ce sont les bureaux qui altèrent une décision prise en séance, et sous cette