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rayons. Cependant la population de cette province n’est ni hindoue, ni malaise, ni chinoise. Quand les peuples divers qui l’entourent sont arrivés sur le sol qu’ils occupent aujourd’hui, ils y ont rencontré sans doute des autochthones que la conquête a refoulés au centre. Les habitans actuels du Yunnan sont en majeure partie de race inférieure, autant que des études ethnographiques incomplètes le laissent entrevoir. Sur les confins de la Birmanie, du Thibet, de la Chine et du royaume de Siam, vivent des tribus sauvages, les Laotiens, les Shans, les Kakhyens, les Mao-tsé, que le gouvernement de Pékin peut à peine réclamer pour sujets. Il en est de même des tribus reléguées dans la partie montagneuse du Szechuen, au nord du Yunnan. Toutefois la politique chinoise, qui paraît avoir été toujours habile et prudente, s’est attribué depuis des siècles une apparence de souveraineté sur ces peuplades indépendantes. Soit en y construisant des forteresses, soit plutôt en y déportant en masse des populations qui l’embarrassaient ailleurs, elle a su conserver dans ces pays une certaine suprématie.

Le Yunnan et le Szechuen ne sont pas au surplus des territoires à dédaigner. Ce qui le prouve, c’est qu’ils nourrissent une population fort dense, bien que le sol soit presque partout très accidenté. Depuis les pères jésuites chargés par l’empereur Kang-hi de lever la carte de la Chine au commencement du XVIIIe siècle, les provinces intérieures ne furent plus visitées par les Européens jusqu’à l’époque où l’expédition française du Mékong y arriva. A peine nos savans officiers y avaient-ils été précédés de quelques années par des missionnaires catholiques que les habitans accueillaient avec assez de bienveillance. En ces derniers temps, M. Francis Garnier, dont la mort récente doit inspirer tant de regrets, un missionnaire instruit, M. l’abbé David, un naturaliste autrichien, le baron de Richtofen, les ont explorées en divers sens. Il résulte de leurs études que le Yunnan et le Szechuen sont surtout remarquables sous le rapport des richesses minérales. La houille et le minerai de fer s’y trouvent en abondance ; en l’état actuel, on peut y acheter du cuivre à vil prix, ce qui tient sans doute à la richesse du minerai ; les indigènes recueillent en outre des métaux précieux. Ces ressources naturelles, jointes au bon marché de la main-d’œuvre, attireraient vite l’industrie européenne, si le pays n’était en proie à d’interminables guerres civiles à peu près depuis l’époque à laquelle les Anglais se sont annexé le Pégou. Il est vraisemblable qu’il ne faut pas expliquer autrement la diminution de trafic signalée par les négocians de Rangoun.

Outre que la population du Yunnan est de race mélangée, elle se distingue encore par la religion des contrées bouddhistes