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élevation de plus de 2 mètres à l’embouchure de l’Oued-Gabès ; elle doit être nécessairement un peu plus forte à l’embouchure de l’Oued-Akareit, située tout à fait au fond du golfe.

La hauteur exceptionnelle des marées de cette partie de la Méditerranée s’explique facilement. On sait que les vagues de marée se déplacent d’orient en occident, dans le sens du mouvement diurne de la lune. En arrivant dans le golfe de Gabès, elles se trouvent comprimées par le resserrement des côtes ; leur vitesse se ralentit par suite du frottement contre les bas-fonds ; elles s’entassent alors les unes sur les autres, et gagnent en hauteur ce qu’elles perdent en largeur et en rapidité. En roulant sur les bas-fonds du golfe de Gabès, elles en remuent profondément les vases et les sables, et en entraînent une partie vers le littoral. Lorsqu’il existait une large communication entre la Petite-Syrte et la baie de Triton, la marée pénétrait dans cette baie et se faisait sentir jusqu’au fond du chott Mel-Rir, où elle atteignait sa plus grande hauteur ; mais les sables, en s’accumulant sur le littoral de la Petite-Syrte, durent successivement rétrécir la communication, qui finit par n’être plus qu’un étroit canal. A la marée montante, il devait alors s’y engager une barre qui, arrivée dans les eaux tranquilles de la baie, perdait sa vitesse en s’ épanouissant, et laissait retomber les sables qu’elle entraînait.

Pendant l’été, les vents dominans de la partie orientale de la Méditerranée sont les moussons de nord-nord-ouest. Les anciens les appelaient vents étésiens ; mais pendant l’hiver il y a quelquefois des coups de vent du nord-est et du sud-est très violons. A l’action régulière des marées s’ajoute ainsi l’action accidentelle des vagues puissantes que ces vents soulèvent alors dans la haute mer, et qui viennent se briser sur la côte, après avoir roulé sur les bas-fonds vaseux et sablonneux du golfe de Gabès.

Telles sont les causes qui ont déterminé la formation d’un isthme à l’entrée de la baie de Triton. Il dut se créer tout d’abord un cordon littoral régulier. Ce cordon, se modifiant peu à peu sous l’influence des vents de sud-ouest, qui venaient y déposer les sables du désert, s’est transformé en dunes irrégulières et mamelonnées. Tout porte à croire que c’est bien ainsi que les choses ont dû se passer. Si l’on se rappelle la description de Procope, qui nous montre les marées s’ avançant à une grande distance sur le continent, on est forcé d’en conclure que le littoral de la Petite-Syrte était alors une plage basse et régulière. L’envahissement des côtes du golfe de Gabès par les sables de la mer est d’ailleurs un fait bien constaté par les voyageurs : Shaw le signale dans ses Observations géographiques sur le royaume de Tunis ; M. Guérin dit que l’embouchure de