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catholiques de Russie. Ce collège ecclésiastique, indépendant du Vatican, a pour les affaires catholiques un rôle plus ou moins semblable à celui du saint-synode pour les affaires orthodoxes. En outre chacun des diocèses catholiques de Russie a son consistoire, dont les membres, nommés par l’évêque, ne peuvent siéger qu’avec la confirmation du gouvernement.

De toutes les confessions chrétiennes, l’église romaine est par son principe celle qui s’accommode le moins bien de ces formes administratives ; c’est elle qui a le plus de répugnance à se modeler sur les limites des états et sur leurs constitutions politiques, elle qui est le plus hostile à l’intervention du pouvoir civil. Pour ces deux raisons, sa situation en Russie a toujours été plus ou moins précaire et mal définie. En dépit de longues négociations et de maintes conventions, Rome et la Russie n’ont, depuis qu’elles sont en contact, pu trouver une base d’entente. Dès le premier partage de la Pologne, Catherine II tentait avec l’archevêque Sestrintsevitch de faire pour les catholiques annexés à l’empire ce que Pierre le Grand avait, avec Procopovitch, fait pour les orthodoxes de la Moscovie. Elle cherchait à enfermer les catholiques de Russie dans les frontières russes, à relâcher les chaînes qui les rattachaient à Rome, pour ne laisser guère subsister entre eux et la cour papale que le lien de la communion au lieu de celui de la juridiction. Les successeurs de Catherine ont souvent suivi la même politique, et le plus souvent y ont été encouragés par les hommes les plus distingués des différens partis[1]. De cette façon, tantôt par calcul, tantôt sans bien s’en rendre compte, le gouvernement russe a plus ou moins tendu à réduire le catholicisme à l’état de simple rite, ne différant de l’orthodoxie que par la langue et les formes. L’église romaine se devait difficilement plier à des exigences en contradiction avec son esprit cosmopolite et hiérarchique. Aussi la cour de Rome n’a-t-elle jamais caché sa répulsion pour le système d’administration ecclésiastique russe. Dans leurs négociations avec la Russie, les papes Grégoire XVI et Pie IX se plaignaient qu’en l’assujettissant aux consistoires diocésains et au collège ecclésiastique de Pétersbourg on eût enlevé à l’évêque le gouvernement de son église. Ils réclamaient contre la présence dans les consistoires catholiques de secrétaires laïques ou de procureurs impériaux à la nomination du ministère[2]. Les difficultés qui dans tant de pays s’élèvent entre la curie romaine et le pouvoir civil, entre la conception catholique de l’église et la conception moderne de l’état, sont plus graves et plus difficiles à

  1. On peut consulter à ce sujet les ouvrages de M. Tolsky et de M.. Samarine sur le catholicisme et les jésuites en Russie.
  2. Esposizione documentala sulle costanti cure del S. P. Pio IX a riparo dei mali che soffre la Chiesa cattolica nei dominii di Russia e di Polonia, Roma 1866.