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première fut consacrée à l’examen de la situation financière. M. Laffitte, malgré sa démission acceptée, eut la courtoisie d’y assister et de faire un exposé financier complet dont la conclusion était la nécessité d’un emprunt destiné surtout à mettre l’armée, son matériel et ses approvisionnemens sur le pied le plus respectable, au moment où l’Europe se trouvait si profondément troublée sur tant de points et si agitée sur tous. Cette conclusion était d’avance celle du patriotisme de Casimir Perier. Ministre responsable d’une politique qui entendait protéger énergiquement la paix contre les tentatives d’une propagande insensée, mais qui était non moins résolue à défendre au besoin par les armes l’honneur de la France et son droit de disposer d’elle-même, Casimir Perier, avant d’accepter la mission de former un ministère, s’était d’abord assuré, dans la pensée d’un emprunt, du concours des maisons les plus puissantes de la place de Paris.

La seconde réunion eut pour objet une enquête sur la situation générale des affaires publiques et sur les difficultés principales avec lesquelles la nouvelle administration se trouvait aux prises. Avant d’engager sa responsabilité dans la lutte dont il comprenait la gravité et les périls, Casimir Perier désirait, pour lui-même comme pour ses collègues, jeter le plus de clarté possible sur le fond des choses en les appelant à mettre en commun, ce qu’ils avaient à peine fait jusque-là, leurs appréciations et leurs renseignemens personnels. Ce devait être de plus pour lui, une fois cette situation précisée, l’occasion de faire connaître à ses collègues ses vues sur le système à suivre et de juger jusqu’à quel point il trouverait des convictions dévouées pour le faire triompher.

Cette réunion eut le double résultat voulu par Casimir Perier. La situation y fut exposée sans détour avec toutes les difficultés qu’elle portait ; elle s’était douloureusement aggravée avec le temps. A l’extérieur, la révolution de Belgique, toujours menacée par la Hollande, la Pologne expirant sous la main de fer de la Russie, les divers états de l’Italie livrés à des insurrections ou menacés d’une intervention autrichienne, imposaient à la France le devoir de veiller en armes sur ses frontières du nord et de l’est, et de se préparer à la guerre tout en désirant la paix. Le contre-coup à l’intérieur de ces drames profondément émouvans, les souvenirs d’une ancienne confraternité militaire, la communauté de certaines idées, le danger que des contre-révolutions imposées autour de nous par l’absolutisme feraient courir à la révolution de 1830, n’étaient que trop propres à faire perdre au pays le calme et le sang-froid nécessaires pour faire la part de l’influence et de l’honneur de la France, sans risquer une guerre générale qui aurait réuni l’Europe tout