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donnait à ces procédés si nécessaires à l’action efficace du pouvoir un air de nouveauté et de défiance dont le roi dut être un instant inquiet ; mais les explications de Casimir Perier, l’exposé de l’influence que l’oubli de ces règles avait pu avoir sur les difficultés du passé, ne tardèrent pas à convaincre le roi et à lui faire accepter pleinement le programme de son futur président du conseil. Cet accord important une fois établi, Casimir Perier s’occupa de le fortifier et de compléter l’unité dans le gouvernement, en examinant avec ses futurs collègues la situation générale des affaires dans une réunion tenue au Palais-Royal en présence du roi, et en demandant spécialement à chacun son adhésion au programme convenu sur les droits et les devoirs de la présidence du conseil des ministres.

Sur ce dernier point, l’entente était faite d’avance avec la plupart des ministres par leurs antécédens connus. MM. Barthe, d’Argout et Montalivet s’étaient notoirement séparés de M. Laffitte à cause du défaut d’unité de vues dans le ministère et d’action dans la présidence. Le baron Louis, ministre désigné pour les finances par son incontestable autorité en ces matières autant que par son dévoûment à Casimir Perier, amenait avec lui, comme futur ministre de la marine, son neveu, le vice-amiral Rigny, l’un des vainqueurs de Navarin, dont il répondait comme de lui-même. Le général Sébastiani, diplomate à l’intérieur autant qu’à l’extérieur, Sébastiani, qui avait toujours visé à se faire la situation presque inamovible d’un ministre spécial, n’avait pas participé à l’éclat qui avait brisé le ministère Laffitte ; mais, s’il ne s’était pas séparé ostensiblement de son collègue Laffitte, il avait toujours secrètement désiré l’avènement de son ancien ami Casimir Perier. Un seul ministre, dont la situation était assez considérable pour avoir suggéré à plusieurs de ses amis le rêve d’une dictature militaire à l’époque où le procès des ministres de Charles X répandait partout une sorte de terreur, l’illustre maréchal Soult, avait écouté avec un trouble visible l’exposé de Casimir Perier concernant les relations des ministres avec la présidence du conseil : il se taisait, hésitant à répondre. « Dites toute votre pensée, monsieur le maréchal, s’écria Casimir Perier, vous pouvez me donner des regrets, mais non des embarras ; veuillez vous décider, sinon je vais écrire au maréchal Jourdan : j’ai sa parole. » Ces mots firent immédiatement leur effet, et furent suivis d’une réponse catégorique qui permit au maréchal Soult de rester ministre de la guerre à la grande satisfaction de l’armée et au grand profit de la France.

Quant à l’état général des affaires, ce fut l’objet de deux réunions des futurs ministres au Palais-Royal le 12 et le 13 mars. La