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non-seulement les épisodes, mais les personnages sont les mêmes. Il y a toujours le fils de famille prodigue pour lequel le gain douteux d’un steeple-chase désespéré est la suprême ressource, la question de fortune ou de ruine, de vie ou de mort, — le squire qui, fût-il accablé de vieillesse et d’infirmités, emprisonne encore dans des bottes de chasse les jambes sans force pour le porter, dont la voix s’est enrouée à exciter ses chiens, qui n’a jamais manqué un concours agricole, et passe dans les banquets qui accompagnent ces sortes de solennités pour le meilleur juge du vin de Porto, — le général qui s’est couvert de gloire aux Indes, mais que l’on voit facilement ému devant le beau sexe, — le book-maker plus ou moins filou qui transforme le pari de courses en métier lucratif et souvent illicite, — la femme galante qui émaille la conversation de mots français, si l’on peut appeler du français les emprunts ridicules que les romanciers étrangers font à notre langue en la défigurant, — un personnage secondaire de pickpocket, tramp (vagabond) ou voleur de chiens, — mais d’abord la fast-girl, dénomination que rend mal celle de « fille émancipée. » Comme c’est, malgré certains échantillons que l’Angleterre nous envoie, le type le moins connu en France, le plus curieux à étudier par conséquent, nous choisirons, pour en donner ici quelques extraits, le roman de Kate Coventry, où il tient la première place, et qui est d’ailleurs sous tous les rapports le chef-d’œuvre de Whyte Melville.


Kate Coventry est, comme Digby Grand, une autobiographie qui sert de prétexte à des descriptions variées de sport, tracées cette fois par une plume féminine. Miss Kate constate en commençant que les femmes ont un triste lot en ce monde. « Si on nous laissait essayer seulement, dit-elle, je me figure que nous saurions battre les maîtres de la création, comme il leur plaît de s’intituler, dans tout ce qu’ils entreprennent. Bon Dieu ! ces gens-là parlent de notre faiblesse, de notre vanité, comme si la plus niaise d’entre nous n’était pas assez forte pour rouler leur sexe tout entier autour de son petit doigt ; quant à la vanité, prenez la peine de faire entendre à l’un d’eux qu’il est beau ou seulement qu’il est bien à cheval, élégant danseur, que sais-je ? et vous verrez s’il ne perd pas la tête. Emilie n’est-elle point devenue baronne pour avoir dit à son cavalier dans un quadrille qu’elle reconnaîtrait sa tournure partout ? L’homme avait une bosse, mais il crut comprendre qu’il était aimé. — Je soutiendrai qu’en équitation même ces messieurs ne nous sont pas supérieurs ; ils nous imposent cette horrible selle de côté, sur laquelle ils plantent assez de pommeaux pour empaler trois femmes. Ils nous condamnent à une attitude dans laquelle il est presque impossible de contrôler un cheval ardent, à un costume qui rend les chutes