beaux Rigaud : la Princesse de Neufchâtel et Samuel Bernard, et ce portrait d’un magistrat si spirituellement peint par un maître trop oublié, Robert Tournières. Ce sont cependant des gloires de notre école, et le jour devra venir où ces œuvres prendront leur. vraie place dans nos musées à côté de celles des grands portraitistes de tous les temps. Oublions donc, — qu’on nous le pardonne, — et Boucher et Nattier, même la Lecture de la Bible par Greuze, même l’ile enchantée de Watteau, et les pastorales de Lancret et les natures mortes de Chardin ; mais, après avoir salué d’un triste regard cette page d’une douloureuse histoire, le portrait de Marie-Antoinette, arrêtons-nous du moins devant le plus grand nom de l’art français.
Le Louvre lui-même, si riche en œuvres capitales de Nicolas Poussin, n’a rien de supérieur aux compositions que, par une bonne fortune peu facile à prévoir, nous trouvons ici réunies : le peintre s’y montre dans toute la variété de son inspiration, jamais plus dramatique que dans ce grand Massacre des Innocents, où il a dépassé Raphaël par la terreur et la pitié, jamais plus suave ni plus tendre que dans cette petite Sainte Famille où il mêle la gravité et la noblesse de l’art antique à la grâce pieuse et aux chastes colorations de l’école mystique. Poussin ne fut pas seulement un peintre d’histoire de premier ordre, on peut ajouter qu’il fut le créateur d’un genre, le paysage de style. Le Titien et Dominiquin avaient eu les premiers l’idée de donner à leurs fonds une importance en harmonie avec les scènes qu’ils composaient. Seulement Poussin alla plus loin qu’eux, il osa plus résolument faire de la figure humaine l’accessoire des bois, des vallées et des campagnes. Il ne força pas la nature, comme on l’a dit, à se prêter à sa fantaisie, il sut seulement en extraire la beauté de formes et la poésie que personne n’avait su y chercher avant lui. Ceux qui ont vécu à Rome et qui en ont parcouru les environs retrouvent à chaque pas les sites dont le crayon de l’artiste semblait avoir disposé à plaisir les plans et l’arrangement. Tout est vrai : voici les montagnes aux silhouettes ondoyantes, aux ombres bleues et violettes, se détachant sur les grands nuages blancs, amis des hauts sommets. Voici les ruines de palais, Les tronçons d’aqueduc et les humbles fabriques aux murailles pittoresques, et voici encore ce ruisseau des premiers plans-où les nymphes le matin, à l’ombre des buissons, viennent comme de simples mortelles baigner leurs pieds divins dans la fraîcheur des eaux. Quel respect, quel amour de la vérité ! ce n’est pas Poussin qui se contentera de cet aspect à dix pas qui plaît tant à ses successeurs d’aujourd’hui. Aucun détail ne le trouve indifférent. Il donne à chaque arbre son nom, son port et son feuillage, et sa