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rapprocher maintenant et apparaître ; à travers ces grèves nouvelles dont l’agriculture anglaise est la victime.

Les événemens ont marché vite depuis quelques jours en Espagne. Après un mois passé à refaire l’armée qui avait livré les combats sanglans et meurtriers de la fin de mars, à organiser de nouveaux corps, à préparer une campagne nouvelle, l’action s’est vivement engagée dans les montagnes de Biscaye, autour de cette malheureuse ville de Bilbao, qui s’est si vaillamment défendue sans se laisser abattre par un bombardement impitoyable. Tandis que le général Serrano se chargeait d’attaquer de front les positions carlistes devant lesquelles il avait échoué une première fois, le général Manuel de la Coucha exécutait de son côté un mouvement stratégique des mieux combinés, menaçant de couper la retraite à l’ennemi, et en deux ou trois jours de lutte, non sans efforts, mais avec bien moins de pertes qu’au mois de mars, on est arrivé à un dénoûment aussi prompt qu’heureux. Cette campagne a été vivement et habilement enlevée. Les carlistes se sont vus bientôt réduits à se replier de toutes parts, pour éviter d’être enveloppés, abandonnant des positions presque inexpugnables et surtout levant le siège de Bilbao, dont la constance a préparé le succès de l’armée. Il n’était que temps ; encore un échec de l’armée, la ville serait évidemment tombée, elle en était déjà aux derniers expédiens pour vivre. Serrano a fait à son vieux compagnon d’armes, au général Concha, la galanterie de le laisser entrer le premier dans la ville délivrée, et même pour vaincre ses scrupules il lui en adonné l’ordre. Entre le duc de La Torre et le marquis del Duero, il y a eu assaut de chevalerie après la victoire, de même qu’il y avait eu, il faut le dire, émulation de vigueur pendant le combat. C’est le mouvement conçu, exécuté par Concha, qui a décidé le succès ; mais Serrano l’a soutenu, complété par une attaque hardie au moment voulu. L’un et l’autre ont retrouvé dans ces opérations compliquées le feu de leur jeunesse militaire, qu’ils ont su communiquer à leurs soldats.

Sans nul doute, cet abandon forcé du siège de Bilbao est un coup des plus rudes pour les carlistes ; même quand ils auraient pris Bilbao, leur cause avait toujours peu de chances de triompher définitivement en Espagne. Qu’est-ce donc après un échec signalé ? Ce jeune prince qui s’occupe tristement à désoler le pays sur lequel il prétend régner peut publier des proclamations et promettre encore à ses soldats de les conduire de Vera à Cadix ; les auxiliaires étranges et imprévus qu’il trouve en France peuvent faire des pèlerinages à Notre-Dame de La Garde à Marseille pour le succès de ses armes : la défaite qu’ils viennent d’essuyer n’est pas moins grave pour eux, doublement grave, parce qu’elle montre leur impuissance et parce qu’elle est le signal de la réapparition d’une véritable armée espagnole. Il ne faut pas cependant s’y tromper, la lutte n’est rien moins que finie. Les carlistes ont pu se retirer assez tôt pour échapper à un désastre, ils ne se sont pas débandés ; ils ont pu empor-