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leur permettant cependant de vivre à leur guise, de choisir leurs pâturages et de faire leurs nids dans les vallées qui leur conviennent le mieux sans être inquiétés par le voisinage de l’homme, Tous les ans, vers l’époque de la mue, le fermier et ses aides. vont à la recherche des autruches, qu’ils chassent devant eux jusqu’à un enclos de plus en plus resserré d’où elles sont obligées d’entrer dans un endroit où on les saisit et les dépouille, pour leur rendre la liberté ensuite jusqu’à l’année suivante. Une autruche rapporte en moyenne 1,250 francs par an sans aucun frais d’entretien et sans autre débours que l’acquisition de la ferme ; les belles plumes des mâles, atteignant près de 1 mètre en longueur et. assez flexibles pour s’enrouler en spirale lorsqu’on les agite, se vendent jusqu’à 75 francs pièce dans l’intérieur, et les petites plumes fines, qui servent d’ordinaire à l’ornement des chapeaux d’enfant, valent à peine 1 sou. Ces plumes, assorties convenablement et expédiées en Angleterre, trouvent sur le marché des prix allant en gros jusqu’à plus de 2,000 francs la livre pour les belles qualités, et constituent maintenant un commerce assez étendu et fort lucratif. Aussi, le gouvernement, après avoir longtemps négligé cette branche importante, s’est enfin décidé à promulguer des lois sévères contre ceux qui se livrent à la destruction de l’espèce, et tout homme tuant un de ces oiseaux ou pillant un nid est condamné à une amende de 1,250 fr., — mesure fort prévoyante, car, outre les chasseurs qui tuaient les autruches, tant pour le plaisir et l’émotion d’une chasse à courre d’un gibier rare que pour l’avantage de se procurer des plumes à peu de frais, il se trouvait bon nombre de fermiers qui visitaient les nids pour en enlever les œufs et les manger.

On s’imaginerait difficilement, en voyant ces oiseaux massifs et lourds, qu’ils puissent courir assez vite et assez longtemps pour fatiguer un cheval ; la rapidité d’allures est cependant le seul moyen que la nature leur ait fourni pour se dérober aux poursuites acharnées dont ils sont l’objet, et c’est par un instinct naturel de prudence que les autruches se tiennent, à l’état sauvage, dans des plaines, d’où leur vue perçante leur permet de voir arriver l’homme de loin et de commencer la fuite avec une avance assez considérable pour avoir quelque chance d’échapper. On les chasse avec des carabines à longue portée et du plus gros calibre, car elles ont la vie très dure et ne se laissent pas souvent arrêter par une balle seule ; alors même qu’elles sont abattues, il n’est pas aisé de s’en rendre maître en raison de la force extrême dont elles jouissent et de l’acharnement désespéré avec lequel elles font usage de leurs pieds et de leurs ailes comme moyen de défense ; un coup de pied d’une autruche peut fort bien briser la jambe d’un homme, et beaucoup de chasseurs inexpérimentés ou trop ardens ; ont payé cher