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II

Quelle émotion ne ressent-on pas à la vue de ce spectacle d’union et de concorde quand aussitôt après on étudie les états divisés du XVIe siècle ! Mais ce ne sont pas les assemblées qu’il faut accuser de cette fatale séparation des trois ordres. Le reproche atteint ailleurs et plus haut : les institutions ne sont que des formes qui recouvrent les nations ; elles se modèlent à leur taille, et peuvent être tenues pour l’indice et la mesure de l’esprit des hommes. Entre le règne si longtemps regretté de Louis XII, qui nous montre la paix sociale la plus profonde qu’ait connue l’ancien régime, et la mort de Henri II, il ne passe sur le trône que deux princes, et tout est transformé. Opinion des classes, anxiétés du clergé, dédains distraits d’une noblesse affolée de plaisirs, colères sourdement amassées du tiers-état, passions contraires de tous les partis, voilà le trouble profond des âmes que vont nous révéler les premières élections faites au XVIe siècle entre les menées des Guises, les intrigues de la reine-mère et les ardeurs des partisans de la nouvelle religion, contribuant tous, à des degrés divers, à la division des ordres.

Elles nous découvriront en même temps d’autres nouveautés. Depuis Charles VIII, la centralisation s’est faite. En 1560, nous trouvons une hiérarchie administrative plus précise et mieux organisée ; nous devons la revoir semblable en 1576, en 1588 et en 1614. Examinons donc à la fois les élections qui ont précédé ces quatre grandes sessions d’états-généraux. Elles suivent la même marche et portent le même caractère ; elles forment en quelque sorte le droit commun de l’ancienne monarchie. Aucune étude ne nous fera mieux pénétrer dans le détail de nos vieilles institutions.

Lorsque la résolution de convoquer les états avait été prise, une lettre signée du roi était aussitôt adressée aux baillis et aux sénéchaux. Il est à peine besoin de rappeler que ces officiers ne possédaient plus à la fin du XVIe siècle le pouvoir qu’ils avaient jadis exercé. Après avoir été, à partir du XIIIe siècle, les représentans directs et les agens presque universels du pouvoir central, ils avaient vu leur influence décroître rapidement. Les lieutenans auxquels la plupart des baillis avaient librement délégué dans le principe l’exercice de l’autorité judiciaire les avaient peu à peu supplantés avec l’assentiment du pouvoir royal, de telle sorte qu’à l’avènement de François Ier les baillis, qui avaient encore en apparence toute l’autorité, n’exerçaient plus en réalité qu’une action nominale. Sous le règne de ce prince, l’institution des gouverneurs s’était étendue à toutes les provinces. Placés entre le roi et les baillis, ils étaient chargés de transmettre les ordres du souverain et d’en assurer