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les assignations ayant été données au manoir seigneurial, ou aux procureurs fiscaux des seigneuries, c’était moins tel ou tel gentilhomme qui était assigné que le propriétaire du sol. Aussi ne manquait-on pas d’appeler les mineurs et les femmes, qui se faisaient toujours représenter par des mandataires. La préparation du cahier et les élections se passaient comme dans l’assemblée du clergé, mais, les procès-verbaux n’ayant pas été conservés, on ne peut donner ici aucun détail spécial sur le mode de délibération.

Les procès-verbaux du tiers-état nous permettent d’indiquer moins vaguement les formes qu’il suivait. Nous avons dit qu’il se réunissait à l’hôtel de ville ; la présidence était ordinairement déférée au maire. Au début de la séance avaient lieu l’appel des paroisses et le dépôt entre les mains du greffier des mandats que chaque délégué avait reçus, puis une commission était nommée pour la fusion des divers cahiers. En réalité, au moment où s’ouvrait cette séance, le cahier du tiers-état était fait. Rapprocher les vœux et leur donner l’ordre convenable, tel était le seul travail de la commission. Tantôt elle délibérait secrètement, et les délégués étaient ajournés au lendemain ou au surlendemain ; tantôt les délégués avaient le droit d’assister en silence aux délibérations de leurs commissaires. Généralement on choisissait le cahier qui semblait à première vue le plus complet, et un des commissaires le lisait à haute voix, tandis que ses collègues suivaient sur les autres cahiers et effaçaient, au fur et à mesure des admissions, les articles qui se trouvaient identiques. À la fin de cette lecture, il ne restait plus qu’à grouper, dans les différentes divisions de la compilation générale, les articles spéciaux qui n’avaient point été biffés dans les cahiers particuliers. Il était fort rare que les commissaires se décidassent à retrancher de leur propre autorité un des vœux émis par une paroisse : leur mission était de coordonner les doléances et non de les modifier dans leur essence. Toutefois, lorsque les commissaires se trouvaient en présence d’idées singulières, de demandes manifestement opposées aux intérêts généraux du bailliage ou simplement de vœux contradictoires, une discussion s’établissait entre eux, et ils exprimaient par un vote l’opinion que devrait refléter le projet de cahier. Ce travail achevé, l’assemblée du tiers-état se réunissait de nouveau pour entendre la lecture des doléances, puis le cahier était approuvé et clos.

C’est alors seulement que les délégués procédaient au choix des députés du bailliage ; tantôt les délégués déclaraient à haute voix leurs préférences ; tantôt l’élection était secrète et avait lieu, soit par la voie du scrutin de liste, soit par une série de votes individuels. Ceux qui avaient réuni le plus grand nombre de voix étaient aus-