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dut son salut qu’à la fuite, tant fut violente l’irritation des Guises lorsqu’ils apprirent son éloquente audace[1].

À la même époque se tenait, à Angers, la réunion du bailliage. Une grande partie de la noblesse avait embrassé la religion nouvelle. Un ministre nommé Dalbiac fut chargé par plusieurs gentilshommes de développer les remontrances dans l’assemblée de la noblesse. Il fit en réalité une profession de foi complète. Le lendemain du discours de Dalbiac, le tiers-état se réunissait. François Grimaudet, avocat du roi, élu par les délégués pour exposer les vœux, fit entendre les remontrances les plus précises que nous ayons trouvées dans les discours si emphatiques de ce temps. Les mécontens nous ont conservé précieusement ce résumé, qui donnait, sous une forme passionnée, l’esprit même du cahier qui allait être voté. Tel fut le retentissement de ces deux harangues, que le duc de Montpensier reçut l’ordre de se rendre sur-le-champ en Anjou pour pacifier les esprits. Paris ne donnait pas moins de soucis aux Guises. À l’assemblée de l’hôtel de ville, un jeune avocat du nom de Cappel se présenta, escorté des plus notables huguenots, développa les plaintes de ses coreligionnaires et requit leur insertion au cahier. Les princes lorrains s’alarmèrent. « Sçachant bien que le train que prenoit Paris estoit coustumièrement suyvi par les autres provinces, » apprenant que la plupart des bailliages avaient vu de semblables manifestations, ils firent annoncer qu’il serait interdit aux états de parler du fait de la religion. Les élections qui précédèrent les états de 1576, de 1588 et de 1614 ne paraissent pas avoir provoqué d’aussi ardentes manifestations.

Nous avons vu successivement les lettres du roi parvenir aux gouverneurs et aux baillis, puis descendre de degrés en degrés jusqu’au dernier échelon de la hiérarchie judiciaire, arrivant enfin aux plus petites paroisses, portées à la connaissance de tous les habitans, et laissant entrevoir l’espérance toujours si bien accueillie du redressement des abus. À la joie de cette bonne nouvelle succédaient presque aussitôt les assemblées de village, où se faisaient entendre les premières plaintes publiques. Envoyées avec des délégués pour les soutenir, ces timides doléances émises dans chaque paroisse se groupaient et se fortifiaient à la ville principale et formaient un important cahier, lorsque l’assemblée générale du bailliage choisissait le député chargé de les défendre devant les états-généraux et de les présenter au roi. Dans ce travail des bailliages et des provinces, qui toutes à la fois sont admises à émettre leurs plaintes, on voit la pensée des habitans naître et se multiplier, se répéter et grandir en nombre et en force jusqu’au moment où le

  1. Regnier de La Planche, Histoire de l’Estat de France, édit. Techener, col. 292.