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former une majorité assez imprévue, les unes, celles des légitimistes, des bonapartistes et des radicaux, étaient parfaitement claires : elles étaient l’expression avérée d’une opposition de principe ou d’intérêt contre les lois constitutionnelles. D’autres, celles du centre gauche et même d’une partie de la gauche modérée, exprimaient certainement une pensée d’hostilité contre le ministère, contre sa politique et les projets constitutionnels tels qu’il les présentait, — elles n’étaient dirigées ni contre le principe des lois organiques, ni contre le gouvernement septennal créé le 20 novembre, ni contre le maréchal de Mac-Mahon. Les hommes les plus autorisés l’ont déclaré. M. Vacherot, dans un sentiment de loyauté, au risque de paraître voter pour le ministère, s’est même prononcé publiquement pour la priorité de la loi électorale, qu’il avait soutenue dans la commission des trente. M. Dufaure, M. Laboulaye, se sont abstenus. Il y avait donc un certain lien entre ces fractions modérées de l’opposition devenue pour un instant majorité et les 317 qui avaient soutenu au scrutin la politique d’organisation constitutionnelle du cabinet. C’était là, si l’on voulait agir sérieusement, une sorte de fil conducteur dans cette confusion. Que pouvait-on faire ? comment recomposer un ministère répondant aux nécessités diverses d’une situation si complexe, s’établissant pour ainsi dire entre les partis pour les ramener à un centre commun d’action ? C’est lace qui s’est débattu pendant huit jours au milieu de toutes les péripéties intimes et de toutes les impossibilités.

Dès la démission du ministère de Broglie, M. le maréchal de Mac-Mahon avait eu la pensée de faire appel au président de l’assemblée, à M. Buffet ; mais l’entrée de M. Buffet au pouvoir avait pour conséquence l’élection d’un nouveau président. C’était peut-être compliquer la question ministérielle d’une question présidentielle, et M. Buffet, sans cesser d’être consulté, restait en dehors de toutes les combinaisons. C’est alors que M. le maréchal de Mac-Mahon s’adressait à M. de Goulard en lui remettant le soin de former un nouveau cabinet. Ancien ministre avec M. Thiers, placé sur la frontière du centre droit et du centre gauche, vice-président de l’assemblée, connu pour la modération de ses idées et l’aménité de son caractère, M. de Goulard était certes l’homme le mieux fait pour être un médiateur modeste, patient et conciliant entre toutes les prétentions et même entre tous les amours-propres. C’est donc M. de Goulard qui s’est trouvé chargé de cette œuvre de Pénélope. Sa première pensée était de chercher à retenir dans le cabinet prêt à se former M. le duc Decazes, qui depuis six mois a conduit nos relations extérieures avec un véritable tact. M. le. duc Decazes hésitait d’abord à séparer sa fortune ministérielle de celle de M. de Broglie ; il cédait bientôt aux instances flatteuses dont il était l’objet et qui sont justement la mesure de la bonne direction qu’il a su donner à nos affaires diplomatiques. C’était déjà un commencement. À M. Decazes venait se joindre