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pions étourdis d’une cause bien compromise, et en définitive que font-ils autre chose aujourd’hui ? Ils ne peuvent rien par eux-mêmes et ils s’efforcent de tout empêcher. Ils s’enferment dans leurs opinions et se dérobent aux transactions les plus simples. On dirait, à les entendre souvent, qu’ils n’ont d’autre politique que de chercher M. Thiers dans tout ce qui arrivé, de se prémunir avant tout contre M. Thiers. Eh ! M. Thiers se borne à voir les choses, à regarder les partis s’entre-choquer, se déchirer, et à songer, comme il le disait l’autre jour encore, qu’une assemblée qui ne sait ni vouloir ni pouvoir va bien vite à une inévitable dissolution. Les hommes de la droite ne cessent de répéter à M. le président de la république que c’est parmi eux et seulement parmi eux qu’il peut trouver de vrais amis, une majorité décidée à le soutenir. Lorsqu’on les accuse de reculer sans cesse devant la nécessité d’une organisation constitutionnelle que le maréchal lui-même a réclamée, ils protestent qu’on les calomnie. Les lois constitutionnelles, ils ne les repoussent pas, à la condition toutefois qu’elles soient à l’usage personnel et exclusif du maréchal, qu’elles forment ce qu’on appelle maintenant un « statut personnel. » Tout cela est fort bien ; seulement ce ne sont que des mots. Si la droite est la majorité, ainsi qu’elle l’assure, comment a-t-elle laissé tomber le ministère de Broglie ? Si elle n’est pas la majorité, de quel droit prétend-elle empêcher les combinaisons qu’on peut essayer pour renouveler les forces du gouvernement ? La droite a cru sans doute faire merveille en rendant impossible des arrangemens qui, sans lui enlever à elle-même sa part d’influence, faisaient une certaine place à la partie la plus modérée du centre gauche, elle a réussi. Dès qu’elle se refusait à tout, dès qu’elle menaçait d’une opposition déclarée, le ministère qu’on travaillait à constituer était frappé à mort avant d’être né, et c’est dans ces conditions que s’est formé un autre cabinet, composé de quelques-uns des membres du dernier ministère et de quelques hommes nouveaux. Au demeurant, le résultat de toute cette crise a été de laisser M. Magne aux finances, M. le duc Decazes aux affaires étrangères, de transporter M. de Fourtou à l’intérieur, de faire entrer dans le cabinet nouveau les deux membres de la droite, M. Tailhand et M. de Cumont, qui devaient être les collègues de M. de Goulard et de M. d’Audiffret. Un ingénieur de mérite, M. Caillaux, est aux travaux publics ; un homme distingué, secrétaire de l’assemblée, M. Grivart, est au commerce, et, comme pour enlever d’avance à l’administration nouvelle toute couleur politique, le maréchal de Mac-Mahon a donné la vice-présidence du conseil à M. le général de Cissey, fort étonné peut-être de se trouver le leader du gouvernement.

C’est en un mot un cabinet d’affaires que nous avons, et assurément depuis qu’il s’est formé il joue son rôle sans bruit. Il ne trouble pas le parlement de ses interventions. Il laisse l’assemblée se livrer à cette dis-