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cette clarification par dépôt qui a fait croire à l’amélioration rapide des eaux courantes ; mais la matière qui est dissoute s’élimine très difficilement, et ce qui se dépose donne à la rivière un lit de boue infecte sans que l’eau elle-même devienne beaucoup moins insalubre. Par les temps chauds, les matières putrescibles contenues dans le limon des rivières peuvent même remonter dans l’eau et y apporter un surcroît d’infection.

Les moyens qui ont été proposés pour épurer les eaux d’égout sont de trois sortes : les uns sont fondés sur le filtrage ou la décantation ; les autres, les procédés chimiques, tendent à obtenir la précipitation des matières dissoutes ; enfin les procédés vraiment pratiques ont pour base l’irrigation des sols pauvres par les eaux chargées des résidus de la vie sociale. Avant de songer à l’épuration des liquides contaminés, on peut d’ailleurs se préoccuper des dispositions préservatives propres à en éloigner les déchets tels que cendres, poussier de charbon, bois de teinture épuisés, balayures, etc., qui peuvent être utilisés pour le chauffage ou autrement ; mais c’est peut-être une erreur que d’empêcher l’écoulement des matières fécales dans les égouts. En effet, l’enlèvement séparé de ces matières, qui nécessite l’établissement d’un dépotoir, est non-seulement un moyen barbare qui soumet les ouvriers et les habitans au « martyre de la puanteur, » mais il est prouvé que les eaux d’égout ne sont pas en général moins dangereuses dans les villes pourvues d’un service de vidanges que dans celles qui n’en ont pas. Il serait donc plus simple de confier aux égouts toutes les impuretés, quelles qu’elles soient ; il s’agit seulement de savoir ce qu’on en fera.

On a d’abord essayé un grand nombre de procédés de filtration, aucun de ces moyens n’a permis de clarifier rapidement et à bon marché des masses considérables d’eau. On a songé à utiliser des bancs de sable comme des filtres naturels : on perdait ainsi l’engrais que renferment les eaux troubles, et ces eaux n’étaient pas sensiblement améliorées ; les galeries filtrantes de Toulouse et de Glasgow en ont fourni la preuve. La décantation ne réussit pas davantage : le repos n’améliore point les eaux impures. On a donc tenté de les débarrasser des matières qu’elles tiennent en dissolution ou en suspension par des réactifs chimiques propres à opérer une précipitation. M. Letheby en énumère soixante qui ont été proposés depuis la fin du siècle dernier ; tous ces moyens ont été reconnus insuffisans. A Leicester et à Blackburn, on a essayé en grand le traitement par la chaux ; les dépôts sont desséchés et vendus aux cultivateurs. Une autre méthode (le trop fameux procédé ABC) est fondée sur l’emploi d’un mélange d’alun, de sang, d’argile, de noir animal, etc. Ce qu’on a trouvé de mieux est encore le sulfate d’alumine, qui précipite une partie des matières en suspension et fournit des boues susceptibles d’être utilisées comme engrais. Ce réactif a été expérimenté en Angleterre et en Allemagne, on en a fait l’essai à l’usine d’Asnières ; en définitive, il faut reconnaître que l’eau n’est purifiée que d’une