meilleur. Don Philippe, magnifique et misérable comme l’Espagnol classique, ne savait pas mieux gouverner que combattre. Ce grand enfant, mou et vicieux, mangeait en quatre mois les revenus de son petit état. L’infante vécut à la cour de France pendant un an comme à son ordinaire, c’est-à-dire sans montrer aucun goût pour les spectacles, la musique ou le jeu. « Elle s’ennuie de tout, comme on est dans le reste de la famille, écrit Argenson. Elle ne tire de plaisirs que de son cœur, aimant son père et sa famille, et ceux qui l’approchent. Le roi est à peu près comme elle, mais les impressions sur le cœur et sur l’esprit passent plus vite chez lui. » À cette époque, pendant le séjour même de sa fille, le caractère de Louis XV baisse beaucoup, la volupté l’envahit, détend tous les ressorts de son âme et le livre sans force aux habitudes de froide et cynique débauche. La Pompadour, qui plus que jamais tenait à « sa place, » faisait déjà consulter les théologiens en Sorbonne, affectait une dévotion hypocrite, intriguait pour devenir dame du palais de la reine, et entre temps s’initiait à sa nouvelle charge de surintendante des plaisirs du roi. Après le Murphy viendra Mlle de Romans, puis le petit sérail du Parc-aux-Cerfs. Ce serait pourtant ne pas connaître Louis XV que d’imaginer, avec le vulgaire, qu’il ait cherché ou trouvé quelque plaisir en une telle vie. Puisqu’on l’y poussait, il suivait la pente de sa nature, il s’abandonnait à ces joies mornes et désespérées dont l’arrière-goût donne des nausées. Le matin, le roi travaillait avec une certaine allégresse, il lisait les dépêches, écrivait aux agens de sa politique secrète, prenait connaissance des secrets de la poste, déjeunait chez Adélaïde, causait avec ses filles. Bientôt sa tête s’alourdissait, il avait de noires vapeurs (comme on disait alors), il était triste, mélancolique et paresseux, quelque chose en lui défaillait ; il se sentait faible, mol à la tentation, se laissait aller sans illusion aux énervantes délices d’une sorte d’évanouissement voluptueux.
C’est pendant le court passage au ministère de l’abbé de Bernis, l’année même de l’attentat de Damiens, que la duchesse de Parme revint une troisième et dernière fois à Versailles. La guerre de sept ans avec l’alliance autrichienne, si funeste à la France, commençait. L’infante arriva le 2 septembre 1757 à Choisy. Elle était en bonne santé, mais encore engraissée. Elle écrivait le 22 août à don Philippe : « Je me porte à merveille, et ris à mon ordinaire de ce qui ferait pleurer les autres. » Sa tête était plus que jamais pleine de projets. Après avoir rêvé Milan, les Pays-Bas, la Pologne, les Deux-Siciles, elle n’était toujours que duchesse de Parme ; avec la guerre, sa malechance allait finir. Certains articles secrets du traité d’alliance entre la France et l’Autriche, dans lesquels l’infant n’avait pas été oublié, semblaient gros d’avenir. Puis elle songeait