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évêques, Les archevêques, tous ceux que l’affection ou le respect amène déjà en foule au couvent de Saint-Denis, y viendront bientôt faim, leur cour à la sœur Thérèse de Saint-Augustin et prendre le mot d’ordre de la politique du jour. Dès le jeudi de Pâques 10 avril, les quatre sœurs se retrouvèrent ensemble : Adélaïde, Victoire et Sophie voulurent servir les religieuses au réfectoire. « Madame Adélaïde ayant manqué à un point du service, dit une relation inédite que j’ai sous les yeux, Madame Louise lui fit baiser la terre, selon nos usages, en pareils manquemens, et le tout se passa avec la satisfaction possible de part et d’autre. » Le dauphin, qui allait épouser dans quelques jours Marie-Antoinette, les comtes de Provence et d’Artois, les princesses Clotilde et Elisabeth vinrent visiter leur tante : tout ce monde était gai et fort bruyant. Louis XV parut le 4 mai.


« Le 11 du mois, sa majesté nous honora encore de sa visite, écrivait le 22 mai 1770 une religieuse carmélite de Saint-Denis à une autre de la rue Saint-Jacques, dans une lettre inédite que nous publions[1]. Il arriva à deux heures moins un quart. Le roi était accompagné de monseigneur le dauphin et des trois dames de France, avec une seule dame d’honneur, car ce jour-là comme les autres le roi ne permit à personne d’entrer. Dès que sa majesté fut entrée dans le dedans, il demanda la communauté, à laquelle il parla avec un air de bonté dont nous fûmes enchantées. Je crois que nous aurions eu le temps de l’entendre plus longtemps, si les dames n’avaient averti de l’heure du dîner. Toute l’auguste famille sortit pour se mettre à table dans l’appartement de M. notre supérieur, à qui Madame Victoire avait demandé la veille un dîner aux carmélites pour la famille royale : le dîner avait été préparé par vingt-cinq cuisiniers de M. Bertin, ministre, et la magnificence du repas surprit le roi. Ce fut M. l’abbé Bertin et deux de ses neveux qui servirent à table. Il y avait onze couverts pour le roi, monseigneur le dauphin, Mesdames et les dames d’honneur ; dans une autre chambre à côté étaient les seigneurs ; dans une autre les écuyers, et une quatrième table dans le jardin qui était au dehors pour les gardes-du-corps. Le roi entra dans toutes les chambres ; il y rencontra notre confesseur, il lui demanda ce qu’il était ; ayant appris qu’il était confesseur, il lui dit : « Qu’est-ce qu’on vous dît en confession ? » Le confesseur lui répondit que c’était lettre close. Monseigneur le gouverneur de monseigneur le dauphin dit : « Les péchés des carmélites seraient les vertus de la cour ; » Le roi eut fini de dîner le premier, et il vint frapper seul à notre porte. Monseigneur le dauphin et Mesdames suivirent de près, et toute l’auguste famille entra, passant dans le cloître. Il lut les

  1. Bibliothèque nationale, manuscrit français, n" 14447. Copies.