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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/793

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tombes des sœurs, il entra dans le réfectoire, ensuite dans la cuisine, où il fut surpris de ne point voir de feu ni d’apparence de souper. On répondit à sa majesté qu’on le commencerait à cinq heures pour le servir à six heures. On le conduisit au chapitre, où, voyant par une fenêtre l’abbaye de Saint-Denis, il dit : « Voilà mon dernier gîte. » Il partit pour Compiègne en nous promettant de revenir le mardi et de nous amener Madame la dauphine, qu’il allait chercher.

« En effet, sa majesté arriva le 15 à six heures du soir ; il demanda qu’on fît venir les religieuses, que je leur fisse voir Madame la dauphine. C’est, ma révérende mère, une princesse accomplie pour la figure, la taille et les façons, et, ce qui est infiniment plus précieux, on la dit d’une piété éminente. Sa physionomie a tout à la fois un air de grandeur, de modestie et de douceur. Le roi, Mesdames, et surtout monseigneur le dauphin, en paraissent enchantés. Ils se disaient à l’envi : « Elle est incomparable, » La visite ne fut que d’une demi-heure, La cour partit pour Versailles. — Madame Adélaïde est venue vendredi soir voir son illustre sœur : elle lui dit que dimanche en sortant d’ici pour aller à Compiègne elles avaient, rencontré à Gonesse le très saint sacrement que l’on portait à un malade, que non-seulement le roi et toute la cour étaient sortis de carrosse, mais que sa majesté avait accompagné le très saint sacrement, et qu’il serait entré chez le malade, à qui on avait porté Notre-Seigneur, si on ne l’eût empêché… »


La cérémonies de la vêture de Madame Louise au monastère de Saint-Denis fut une des plus magnifiques du siècle. Avant de se prosterner dans la poudre, vêtue de la bure du Carmel, la princesse apparut au milieu de sa maison dans des splendeurs d’apothéose, couverte de perles et de diamans, dont les feux l’entouraient d’une sorte de nuée lumineuse, vraiment fille de roi dans sa robe de cour lamée d’argent et parsemée de fleurs d’or. Ce fut la jeune dauphine qui lui remit le scapulaire, le manteau et le voile religieux, tout mouillés de ses larmes. On reconnaît ici la sensibilité un peu nerveuse de cette « gentille Antoinette, » qui vit sans doute les cieux s’ouvrir et l’Esprit-Saint descendre sur sa tante la carmélite. L’illusion ne dura guère : la fille de Marie-Thérèse caractérisera bientôt cette même tante d’un de ces mots terribles et frappés au bon coin qui, en regard des montagnes de papier des apologistes, ont la durée et l’inflexible sévérité d’une médaille de bronze antique. Quant à Madame Louise, on ne peut s’étonner qu’elle ait si vite oublié l’affectueux souvenir qu’elle devait garder à celle qui l’avait assistée en ce jour ; elle eût immolé le genre humain à la religion (entendez aux jésuites), en cela de tous points semblable à l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, ce « bon gros garçon borné, entêté