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ait l’exemple. Ainsi au milieu de ce petit monde se révèle dans sa plus complète manifestation l’effet de l’action de l’homme sur une espèce animale. Nous connaissons à présent cet effet ; nous l’observerons encore sur les autres races domestiques, où il est en général moins prononcé.

L’espèce galline se présente sous une forme ordinaire très répandue, et elle a des variétés jolies ou singulières très prisées des amateurs. La souche primitive est bien connue des naturalistes ; c’est un oiseau alerte, de proportions gracieuses, au plumage lisse et brillant, qui vit à l’état sauvage au milieu des forêts de l’Inde : le gallus bankiva. Les coqs et les poules dont on n’entrave guère la liberté dans les campagnes diffèrent à peine du type originel. Parfois, aux abords d’une ferme, le zoologiste admire un coq ; c’est que l’animal à la démarche fière et pleine d’élégance paraît n’avoir nullement souffert de la captivité ; beau comme ses frères libres, il en conserve les vives nuances ; — ni le climat, ni le genre d’alimentation, n’ont exercé d’influence appréciable. Le coq de combat paré d’une crête simple et droite représente encore très noblement l’oiseau de la jongle indienne. Dans la basse-cour champêtre, la dégénérescence de l’espèce galline est très médiocre ; elle affecte d’abord la couleur, le noir et le blanc remplacent les belles teintes vertes et rouges, surviennent ensuite de légères variations dans la taille, à peine se modifie la conformation générale. Les coqs et les poules se donnent beaucoup de mouvement, mais ils ne volent presque jamais ; les os des ailes et la carène pectorale se trouvent un peu affaiblis par suite du défaut d’exercice, tandis que les pattes, constamment soumises à la fatigue, sont plus ou moins alourdies. L’état de domesticité, tempéré par une sorte d’indépendance, n’a donc que faiblement touché la race galline. La malheureuse sélection et l’esclavage ont donné des monstres plus ou moins réussis.

Regardons ces coqs et ces poules de la race dite cochinchinoise ; bêtes disgracieuses, recherchées parce qu’elles sont de forte taille ; elles ne peuvent plus du tout voler, les pattes sont affreusement massives et les ailes raccourcies, les pennes dénotent les signes d’une atrophie. D’autres se recommandent par une larde monstruosité : la présence d’un doigt supplémentaire ; c’est la race dorking. Voici maintenant la race espagnole : des poules qui ont perdu l’instinct de couver ; puis les poules huppées : sur la tête, les plumes ont pris un développement énorme, elles aveuglent l’animal. Chez ces pauvres oiseaux, la voûte du crâne, incomplètement ossifiée, affecte de bizarres contours, le cerveau fait hernie. En même temps qu’une portion de l’organisme se trouve atteinte, les instincts ordinaires de l’espèce, assurent les éducateurs, disparaissent. Comme s’il existait une loi de la nature pour éteindre d’affreuses