Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rudes que les scribes des pharaons, et ne soulevaient pas plus de haines.

On savait gré surtout aux Romains de respecter l’antique religion de leurs sujets. Ils se sont bien gardés de blesser nulle part les croyances des peuples vaincus, et rien n’a mieux servi que leur tolérance religieuse à faire accepter aisément leur domination au monde. En Égypte, quand un magistrat romain arrivait chez ses administrés, sa première visite était toujours pour les sanctuaires des dieux; il s’en faisait montrer les curiosités et priait fort dévotement Horus, Kneph ou Ammon-ra pour le salut de tous les siens. Aucune entrave n’était mise aux cérémonies du culte. On élevait toujours des temples magnifiques aux frais des villes et de l’état en l’honneur des divinités égyptiennes, comme si l’on était encore au temps des Ramsès ou des Aménophis ; au lieu d’y inscrire le nom des pharaons « dieux, fils de dieux, » on y gravait en hiéroglyphes celui d’Hadrien ou d’Antonin le Pieux. Rien en vérité ne semblait changé. Ce peuple, étranger aux autres peuples et concentré en lui-même, immobile comme ces sphinx de granit qui forment l’avenue de ses temples, continuait à vivre de ses traditions et de son passé. Quand tout se renouvelait autour de lui, il restait opiniâtrement fidèle à ses habitudes et à ses croyances. On a retrouvé à Philes une inscription d’un prêtre égyptien qui, soixante ans après l’édit de Théodose, s’obstine à vêtir ses dieux de leurs ornemens sacrés, à les promener en public dans des châsses les jours de fête, et ne paraît vraiment pas se douter que tout l’empire est devenu chrétien.

C’est précisément à la religion que se rattachent la plupart des inscriptions latines de l’Égypte. En général, elles ont été trouvées dans les ruines des anciens temples, et quelques-unes nous rappellent un usage curieux des dévots de l’antiquité. C’était la coutume alors qu’en venant saluer quelque divinité on se chargeait de lui apporter aussi le salut ou, comme on disait, le proscynème de ses amis et de ses proches. Les rois d’Égypte envoyaient de temps en temps des gens de leur cour auprès des divinités importantes pour leur transmettre leurs hommages, et ces messagers avaient soin de laisser une inscription dans le temple, afin de bien établir qu’ils s’étaient acquittés de la commission. Les Romains respectèrent cet usage, comme tous les autres, et, parmi les proscynèmes retrouvés à Philes, on a lu celui d’un commandant de légion et de ses officiers. Il arrivait aussi que, lorsqu’on assistait à quelque spectacle religieux ou qu’on visitait un sanctuaire illustre, on ne manquait