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qui prirent bientôt le soin de le venger. C’est en cherchant, dans de longues et souvent désastreuses expéditions, à devancer la puissance française sur les rives de l’Ohio que le fondateur de la nation américaine fit l’apprentissage de cette infatigable énergie qui finit par triompher de tous les obstacles. C’est l’exemple des défenseurs du fort Carillon arrêtant une armée anglaise derrière un misérable parapet qui inspira plus tard les combattans de Bunkershill. C’est la reddition de Washington au fort Necessity, le désastre de Braddock au fort Duquesne, qui apprirent aux futurs vainqueurs de Saratoga comment, dans ces contrées incultes, on embarrasse la marche d’un ennemi, on lui coupe les vivres, on annule ses avantages et l’on arrive enfin à le prendre ou à l’anéantir.

Aussi, méprisées d’abord dans les rangs aristocratiques de l’armée régulière anglaise, les milices provinciales, comme on les appelait alors, surent-elles bientôt conquérir son estime et imposer le respect à leurs ennemis. Dans cette guerre, si différente de celles qui se font en Europe, dans ces combats livrés au milieu d’un pays sauvage et boisé, elles révélèrent déjà toutes les qualités qui distinguèrent depuis l’Américain : l’adresse, la force, la bravoure et l’intelligence individuelle.

Elles les déployèrent encore lorsque, quinze ans après, elles reprirent les armes sous le nom de volontaires ou de milices nationales pour secouer le joug trop pesant de la métropole; mais elles n’avaient plus les officiers instruits de l’armée anglaise pour les diriger, les vieilles bandes régulières pour les appuyer au moment critique. Leur rôle d’auxiliaires les avait mal préparées à soutenir seules la grande lutte que le patriotisme leur imposait. A côté de Washington, aucun officier colonial n’avait brillé dans les grades supérieurs. Aussi les Français qui vinrent avec Lafayette mettre leur expérience au service de la jeune armée américaine apportèrent-ils à celle-ci un précieux secours; mais son meilleur allié, sa plus grande force, fut cette persévérance qui lui permit de tirer parti de la défaite au lieu d’en être accablée. On le vit bien lorsque l’arrivée de Rochambeau lui offrit l’occasion de faire cette belle et décisive campagne qui des rives de l’Hudson transporta la guerre en Virginie et la termina d’un seul coup dans les tranchées de Yorktown.

Les derniers événemens qui ont ensanglanté les États-Unis donnent un intérêt tout particulier à l’étude de la guerre de l’indépendance américaine. Le théâtre est le même, la nature du pays n’a que peu changé depuis lors, et des deux côtés les acteurs sont les descendans des soldats de Washington. Dans ce premier effort de la jeune nation américaine pour organiser sa puissance militaire, nous trouverons